Samuel Lewis ou l’art de cultiver la simplicité,

Jardinier, artiste, penseur et partageur. Le Britannique de 37 ans cultive l’art de la simplicité dans son jardin. Il travaille la terre sans engin motorisé ni traction animale, motivé par un désir d’autonomie et suivant une logique où l’essentiel se réduit à l’existentiel. Samuel Lewis invite à questionner la notion de progrès, l’allié du plus, quand lui voudrait faire mieux avec moins.

Quand bien même la barbe ne fait pas l’homme, celle du jardinier Samuel Lewis cache bel et bien un philosophe. À la différence des marcheurs inspirés, c’est plutôt les mains arrimées au sol ou occupées à manier un de ses outils fétiches qu’il trouve sa paix intérieure. Dans cette existence dépouillée, il emploie son temps non pas à gagner l’argent nécessaire pour vivre mais plutôt à produire lui-même les ressources indis-pensables à son quotidien. Alors que bien souvent l’accès au foncier enchaîne au remboursement des mensualités, ici, 3 hectares deviennent son moyen d’émancipation. Le terrain qu’il entretient avec son père et sa sœur donne chaque année suffisamment de fruits, légumes et céréales pour une autonomie alimentaire presque complète.
Nous sommes dans la commune de Duault, près de Callac. Une petite route brave le modeste relief et révèle quelques maisons, invitées timides dans le décor végétal. C’est ici, au cœur de l’Armorique dis-crète et vallonnée, que la famille Lewis, originaire du pays de Galles, s’est installée il y a 30 ans. Les parents, Gareth et Lin, enseignaient en Angleterre avant de débarquer en centre-Bretagne avec leur fils Samuel et leurs deux filles. À leur arrivée en 1994, ils trouvent une parcelle en friche, vivent un temps en caravane, construisent une maison et ambitionnent une forme d’autosuffisance ; car pour eux, l’autonomie matérielle conditionne bien d’autres libertés.
Pendant ce temps, d’autres graines germent dans la tête de Samuel. “On ne peut pas dire que j’ai fréquenté beaucoup d’enfants, j’ai fait l’école à la maison. Les garçons de mon âge me laissaient plutôt indifférent. À l’adolescence, je me suis posé des questions : qui suis-je ? Que vais-je faire ? La terre m’a apporté des réponses concrètes.” À quelques pas de la maison parentale, une vieille masure oubliée. “Tu vois cette bâtisse ? C’est juste quatre murs et une surface en terre battue. Mais les anciens y sont nés, y ont vécu. Ils m’ont raconté. J’ai trouvé ici les traces d’une vie. D’un coup, ça m’a semblé très simple. J’ai retapé cette ruine et suivi cette piste.” À l’abri des vieilles pierres, Samuel s’est composé un monde à lui. On peut y manger, s’y rassembler autour d’une table pour discuter ou faire plein d’autres choses générale-ment interdites dans les maisons, comme rentrer en chaussures, planter des clous dans les murs ou tâcher le sol. Ni eau courante, ni électricité, c’est une autre énergie qui emplit la pièce. Une bolée de cidre sert la convivialité, quand ce n’est pas un feu qui crépite dans l’âtre généreux. “À 18 ans, il m’était devenu impossible de quitter ces lieux.”
“Vivre à la campagne constitue une forme de renoncement, à la proximité des services par exemple, c’est un geste militant en soi. Cela demande une certaine résilience avec pour principale motivation la qualité de vie”, constate-t-il.
L’ambition de construire une doctrine ? Non. La recherche de cohérence… peut-être. Le plaisir à la tâche ? Voilà ce qui le motive plus que tout. “Il n’y a pas de bonne journée sans la fatigue physique, celle qui me met en paix avec moi-même et avec mon environnement.” Et ça tombe bien car dehors il y a à faire ! Trente-cinq champs délimités ici par un talus, là par un chemin ou une haie, composent une mosaïque de milieux propice au développement de toute vie. L’herbe pousse haut, d’étroits passages se fondent dans l’enchevêtrement des plantations. L’atmosphère est un brin sauvage. Mais il ne faut pas s’y méprendre, le cadastre n’a pas été tracé au hasard. De même, la rotation des cultures respecte un ordre précis. “Le potager c’est une chose, mais la culture des céréales fait vraiment la différence et permet d’être autonome grâce au stockage d’une saison à l’autre. Chez nous, le seigle donne un très bon rendement. Avec une culture de 600 m2, je produis 150 kilos de farine, notre consommation de pain pendant un an.” (…)

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