Au nord de la République tchèque, non loin des frontières polonaise et allemande, se trouve un étonnant château, rempli de symboles et de références à l’histoire de la Bretagne. Un héritage du XIXe siècle, lorsque ce domaine appartenait à une branche de la famille de Rohan.
Les collines verdoyantes peuvent un peu rappeler la Bretagne centrale et le vaste château possède, de loin, un aspect vaguement familier pour le Breton qui s’en approche. L’une des grandes tours rondes évoque en effet celles du château de Josselin. Une autre, de forme carrée, n’est pas sans rappeler le clocher de l’église de Ploërmel, deux anciennes places fortes de la puissante famille des Rohan qui a tant marqué l’histoire de la Bretagne. Et pourtant, nous sommes ici à 1 500 kilomètres à l’est de la frontière bretonne, en pleine Europe centrale, à Sychrov, au nord de la République tchèque. La découverte est d’autant plus étonnante lorsqu’on s’approche de l’édifice imposant, très populaire dans le pays, notamment pour les jeunes mariés. Les façades du château, comme ses différentes pièces, débordent d’hermines ou de noms de lieux bretons, sans compter les dizaines de tableaux représentant des épisodes de l’histoire de la Bretagne, surtout de la famille des Rohan. C’est en effet l’une de ses branches qui s’est établie ici et a façonné cet étonnant édifice néo-gothique pendant plus d’un siècle.
Des Rohan voyageurs
Les premières mentions d’un château sur le site de Sychrov remontent au xve siècle, période assez agitée en Europe centrale. Au xviie, Jan Jakub Lamotte de Frintroppe y bâtit un petit manoir de style baroque. Au xviiie, les propriétaires, la famille Waldstein, n’y résident guère, avant de le céder, le 30 août 1820, à un maréchal de l’empire autrichien, Charles Alain Gabriel de Rohan. Lui et ses descendants vont donner au domaine son apparence actuelle et en faire une vitrine de l’histoire bretonne en Bohème. Un Rohan au service des Habsbourg ? Quoi de surprenant. Lorsqu’il naît au château de Versailles en 1845, Charles iv, prince de Rohan et Guéméné, duc de Motbazon et de Bouillon, est membre de l’une des plus puissantes familles aristocratiques d’Europe et de France, fière d’antiques attaches en Bretagne.
Apparue au Xe siècle en Bretagne centrale, dans la ville éponyme, les Rohan se sont inventés une longue histoire et des ancêtres mythiques, dont un certain Conan Mériadec, Breton insulaire qui aurait conquis la péninsule armoricaine au ive siècle pour l’empereur Maxence. La légende de Conan Mériadec leur a d’ailleurs permis d’obtenir, au XVIIe siècle, le statut de “prince étranger” à la cour de France. (…)