Figure emblématique du Stade Brestois, Jacky Le Gall a vécu tant de choses avec les rouges et blancs que cela méritait bien un livre. Portrait d’un afficionado attachant.

Dans les clubs de football, les joueurs passent, les présidents se succèdent et, finalement, seuls restent vraiment les supporters et les journalistes locaux. À Brest, Jacky Le Gall fait partie de ces derniers et, s’il n’est pas le plus distancié, il est devenu l’une des grandes mémoires du club, ce qui valait bien un portrait, d’autant qu’il a récemment publié son autobiographie. “En 2022, j’ai fêté mon demi-siècle d’activité avec le Stade Brestois, raconte-t-il. En 1972, j’ai filmé le match de coupe de France entre Brest, qui jouait alors en amateur, et l’Olympique de Marseille de Skoblar et Magnusson. J’avais pris trois bobines de 3 minutes, qui valaient chacune 50 francs, une somme à l’époque ! Et j’ai eu la chance de filmer les trois buts de la rencontre…”

Jacky Le Gall suit ensuite la saga des juniors brestois en coupe Gambardella et y gagne le surnom de “Claude Lelouch”, pour avoir fait croire, en demi-finale, que le cinéaste payerait le champagne aux joueurs bretons s’ils l’emportaient. Ce qu’ils font, d’ailleurs.

Le jeune Jacky ne sortait pas de nulle part. Son père avait joué au club lors des premières saisons, au début des années 1950. C’est au Stade qu’il avait rencontré son épouse, Marie-Louise, qui s’occupait de la buvette. “Ma mère l’a tenue pendant 60 ans et, lorsqu’elle a arrêté, le président Guyot, avec son humour, lui a offert un abonnement gratuit pour 30 ans, plus dix renouvelables…” Biberonné au football, le petit Jacky devient très vite un habitué du Stade Brestois où l’amènent régulièrement ses parents.

Caméra au poing

En 1975, Jacky saisit une jolie opportunité grâce au nouvel entraîneur brestois, Alain de Martigny, qui le charge de filmer les matchs pour pouvoir débriefer les joueurs ensuite, grâce à l’un des premiers magnétoscopes, acquis par l’Office des sports de la cité du Ponant. “J’ai filmé mon premier match à Blois, confie-t-il. Je n’avais pas dormi de la nuit. Par la suite, j’ai développé une relation étroite avec De Martigny, j’étais son homme de confiance, chargé de faire passer certains messages à l’équipe, où il y avait des petits jeunes prometteurs, comme Yvon Le Roux qui finira international. En tout cas, avec Monaco, on a été les premiers en France à utiliser la vidéo.”

Il est alors commercial chez L’Oréal, mais le football est sa passion et le Stade Brestois gravit les échelons. “J’ai filmé le match de la première accession de Brest en D1, en 1979. Cela reste mon plus grand souvenir avec le club, parce que c’était la première fois…” Par la suite, Brest ne sera qu’une saison dans l’élite, mais écrase Marseille 7 à 2, pour le plus grand enthousiasme des supporters…

L’ère Yvinec

Le club finistérien retrouve de l’ambition dans les années 1980, avec un nouveau président, François Yvinec. Sa période va être des plus flamboyante. C’est Yvinec qui offre, pour la première fois, l’opportunité à Jacky Le Gall de se professionnaliser. “On a monté une société Régie vidéo sports. Il nous a donné les droits pour qu’on diffuse sur le câble. Il faut se rappeler qu’à l’époque, il n’y avait qu’un seul match de championnat retransmis en direct à la télé, et c’était sur Canal+.”

Par la suite, Jacky Le Gall monte à Paris, à TF1, pour proposer ses services aux légendaires animateurs de Téléfoot, Thierry Roland et Didier Roustan. “Je leur ai dit : je veux filmer les vestiaires. Il s’y passe des choses ! Thierry Roland m’a répondu : ‘Là, tu nous intéresses !’” Il va travailler pendant de nombreuses années pour Téléfoot, employant tout un car vidéo et jusqu’à 35 personnes. “J’ai été très proche de Thierry Roland, un homme bien au niveau humain. J’ai aussi connu Patrick Poivre-d’Arvor. J’avais fait le lien entre TF1 et le président Yvinec, lorsqu’il avait eu son aventure en Colombie. L’affaire avait fait la une du 20 heures de la chaîne.”

Facilitateur

Après les mémorables années Yvinec qui se terminent mal, le club connaît une traversée du désert qui prend fin au milieu des années 2000. Toujours avec la même passion, Jacky Le Gall assiste aux grands moments de l’histoire du club au XXIe siècle, du passage d’un certain Franck Ribéry, aux années Alex Dupont, lorsque le club retrouve, un temps, l’élite. Ou, bien entendu, la formidable remontée en Ligue 1 de 2018. Entre-temps, le monde de la télé ayant évolué, Jacky Le Gall a continué pendant 20 ans de filmer les matchs, les diffusant en différé sur Brest sur Numéricâble, puis sur Tébéo, la chaîne télé du groupe Le Télégramme. Plus récemment, il a aussi commenté les rencontres sur Radio Bonheur avec Gaëtan Pinel.

Aujourd’hui, Jacky Le Gall se vit comme un facilitateur pour le club avec les nouveaux joueurs. “Lorsqu’ils arrivent, je leur trouve des logements, une télé, une voiture… C’est important qu’ils s’acclimatent bien ! Je dis aussi aux joueurs, qu’ici, il faut savoir dire bonjour avec le sourire pour être adoptés. Ensuite, tout se passe pour le mieux.” Car, pour lui, ce qui caractérise le Stade Brestois, c’est son esprit “familial”. “C’est ce qui fait la différence. Au début, les joueurs viennent à reculons, mais 95 % se plaisent beaucoup ici. Ils le disent d’ailleurs. J’ai interviewé Ginola au milieu des années 1990. Il ne voulait plus avoir affaire avec les médias français, mais quand il a su que j’étais de Brest, il n’y a pas eu de soucis. Comme beaucoup d’autres, il m’a parlé avec une grande émotion de Brest, du club… et de la bruine.”

Un accueil pèse aussi sur le niveau de jeu de l’équipe. “Ici, l’important, c’est de mouiller le maillot. On sait qu’on est à Brest et qu’on va perdre des matchs dans la saison, mais si c’est avec motivation, les supporters le comprennent. Ils respectent le fait qu’on puisse perdre, mais avec la manière !”


 La suite, ainsi que notre dossier sur le stade Brestois est dans ArMen n°269

Autres articles de ce numéro:

A lire également