Bretons d’Anjou L’Histoire continue à s’écrire, différemment

La Bretagne a depuis toujours entretenu des relations fortes avec l’Anjou. Mais de 1860 aux années 1920, nombreux sont les Bretons occidentaux qui s’y sont expatriés pour trouver du travail, notamment dans les ardoisières de Trélazé. Cette commune a compté à une époque jusqu’à 4 000 Bretons, sur une population de 6 000 habitants. Ce passé ouvrier continue de vivre au sein du musée de l’Ardoise, ouvert en 1984 à l’initiative d’une association fondée par d’anciens ardoisiers. Aujourd’hui, les descendants de ces ouvriers et d’autres assurent, avec sensibilité, la perpétuation d’une identité bretonne séductrice et décomplexée, au sein d’associations, par l’apprentissage du breton, par l’organisation de festoù-noz

L’Anjou, le pays entre-deux-eaux. Une présence bretonne affirmée depuis le IXe siècle

Les relations entre Bretagne et Anjou remontent loin dans le temps. À celui d’une lutte commune contre l’envahisseur romain ? Sans doute, puisque l’Andécave Dumnacos, défait devant Limonum par les légions de Fabius, selon Hirtius, le secrétaire de César, trouva refuge “dans les régions les plus reculées de la Gaule”. Chez les Osismi, murmurent certains…

Musée de l’ardoise, bagadoù. Des racines bretonnes toujours bien vives

Terre d’accueil de beaucoup d’ouvriers bretons, Trélazé a bien sûr conservé des traces de son histoire. Ainsi, le musée de l’Ardoise rend aujourd’hui hommage aux fendeurs et aux ouvriers d’“à-bas”. L’établissement, qui emploie aujourd’hui trois salariés à qui est confié le soin de montrer aux visiteurs la précision du geste des générations passées, fut porté sur les fonts baptismaux par un groupe de fendeurs, pour beaucoup d’origine bretonne, tels Marcel Goacolou, Marcel Even, Fañch Ilias ou encore Henri Jan. Installé dans la Maison de l’Union, du nom d’une ancienne carrière, et dans les salles de l’ancienne manufacture d’allumettes, le lieu, en gestion associative, a ouvert ses portes en 1984. Sur un site qui, comme d’autres, commercialisait une ardoise nommée l’Armor et une autre… l’ArMen, il n’est pas besoin de chercher longtemps pour trouver des racines bretonnes, toujours vives.

En Anjou, une identité bretonne séductrice et décomplexée

Fondée en 1972, à l’époque où Stivell mettait le feu à l’Olympia et où les premiers volontaires du flb étaient jugés par la Cour de sûreté de l’État, l’Association des Bretons d’Anjou (kba) a succédé, rappelle Perig Le Bouil, co-fondateur de l’association avec Yves Cariou, “à l’Amicale des Bretons d’Angers, créée en 1955 par Joseph Guyomard, Alain Autret et Louis Lautrédou, et qui avait son siège au Café de l’Entracte, place du Ralliement. En fait, nous avions là des notables, qui voulaient sincèrement établir des relations d’entraide vis-à-vis de la communauté ouvrière de Trélazé. Mais ils étaient considérés par certains comme des bourgeois”. Le début des années 1970 ? “Une époque militante”, dit Martine Iliou, la secrétaire de l’association depuis 2016, une pointe de regret dans la voix. “En 1971, nous avions invité Glenmor à chanter dans l’amphi de la ’catho’, ajoute Perig. Un grand moment ! C’était plein à craquer !” Tout comme Josette Jardin, la présidente, Martine Iliou n’est pas née en Bretagne mais elles sont bretonnes de cœur et d’âme. Le déclic est intervenu quelques années plus tôt : “J’avais seize ans, et j’avais une bonne copine, Annie, originaire du Kreiz-Breizh. Son père était ardoisier. Un jour, il était allé chercher la Mamm-Gozh, qui ne parlait que le breton. À l’époque, il y avait encore ici des monolingues brittophones qui refusaient d’apprendre le français. Ça m’avait touchée.”

Rapidement, kba s’est organisée pour donner des cours d’histoire de Bretagne et des cours de langue, aux débutants comme aux confirmés, et aussi proposer l’étude de textes littéraires, dispensée par Jean Danion. “On organise aussi des conférences. Dans ces années 1970, elles étaient très militantes.” En feuilletant d’anciens numéros du bulletin de l’association, Brezhoneg da Gentañ, Martine pointe ainsi un article relatif à une conférence sur l’exemple basque. L’action de l’association était multiple. Un exemple : “Dans les années 1970, les gens modestes du centre Finistère n’étaient pas ou peu motorisés, et du coup, l’association affrétait un car, dans le courant de l’hiver, pour aller chercher des membres des familles restés au pays et qui voulaient venir rendre visite aux leurs. Le car ramenait aussi sa provende de sonneurs et de chanteurs !”

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