Depuis septembre, l’antenne bretonne de l’Atelier Paysan accueille une dizaine de stagiaires pour 10 semaines dans le cadre de la formation intitulée : “S’installer avec l’approche collective des technologies paysannes”. Créé en 2009, l’Atelier Paysan, d’abord connu sous le nom d’Adabio Autoconstruction, forme le temps d’un stage les agriculteurs et agricultrices à l’autoconstruction d’outils et de machines adaptés à leur ferme dans une volonté d’autonomie, de réappropriation de savoirs et de savoir-faire.
Chaussures de sécurité aux pieds, veste de travail sur le dos, Pierre Guéret tient dans ses mains un petit carnet orné d’une couverture en cuir bourré de notes griffonnées par ci par là au gré des pages, et qui ne le quitte jamais. “J’écris toutes les questions que me posent les stagiaires”, explique l’animateur-formateur du site breton de l’Atelier Paysan, basé à Saint-Nolff, près de Vannes (Morbihan). Plusieurs disqueuses et des barres de fer rangées par ordre de grandeur l’entourent. Dans la pièce à côté, juste derrière lui, le tintamarre de plusieurs fers à souder se fait entendre et l’odeur du métal travaillé se fait sentir. “Cette semaine, on apprend la soudure”, précise Pierre.
Depuis septembre, il encadre une dizaine de stagiaires. Au programme : travail du métal, du bois, apprentissage de la construction. L’Atelier Paysan vise à une plus grande autonomie des fermes, et promeut une agriculture respectueuse de l’environnement.
La création de l’organisme, dont le siège se trouve à Renage, près de Grenoble (Isère), est le fruit d’une rencontre entre un maraîcher bricoleur, Joseph Templier, et Fabien Clerc, ingénieur en agriculture. “Joseph revenait d’un voyage en Allemagne où il a été introduit aux planches permanentes en maraîchage”, indique Pierre Guéret. Il s’agit là d’une technique agricole qui permet de travailler le sol à l’aide d’outils adaptés, à l’opposé du labour qui retourne la terre et nuit à sa qualité.
Une coopérative à l’écoute des besoins des paysans
Ici, pas de gros tracteurs télécommandés mais plutôt des pousse-pousse, des triangles d’attelage ou encore des porte-tout. Parmi les stagiaires, beaucoup de maraîchers en cours d’installation, une éleveuse de chèvres… Il y a aussi Samuel, futur apiculteur en Loire-Atlantique : “Je construis un lève-ruche. Ça existe déjà sur le marché, mais l’outil ne me convient pas, il coûte 900 euros et pèse 40 kilos. Ici, j’en crée un qui me convient, il va me revenir à 300 euros et sera plus léger.” Cet outil auto-construit pourra ensuite trouver sa place dans le catalogue de l’Atelier Paysan qui regroupe aujourd’hui 80 prototypes disponibles en licence libre. Après treize années d’activité, l’Atelier paysan compte une trentaine d’employés, dont deux dans le site-atelier à Saint-Nolff, une antenne-atelier dans l’Hérault, ainsi que 7 fourgons-ateliers mobiles dans toute la France. “Ces derniers servent aux formateurs externes qui n’ont pas d’atelier en dur comme nous ici à Saint-Nolff”, précise Pierre Guéret. “Le sol est notre partenaire. On voit quels outils peuvent être utilisés pour cultiver tout en respectant le sol. Pour nous, les paysans sont les ingénieurs, ils connaissent mieux leur terrain que quiconque. On les écoute et puis on les guide selon leurs besoins. L’idée vient du champ, pas d’un bureau d’étude.” Une vision à l’opposé des décisions politiques à la recherche de machines toujours plus grosses, toujours plus chères et conduisant souvent les agriculteurs au surendettement. “On le voit bien aujourd’hui, beaucoup d’agriculteurs partant à la retraite n’arrivent pas à revendre leur ferme car elle coûte trop cher. Ils sont criblés de dettes, ce sont ces personnes-là qui en viennent parfois au suicide. À l’Atelier Paysan, on ne veut pas de ça”, ajoute l’animateur formateur de 33 ans. La coopérative, qui a publié aux éditions du Seuil en 2021 son manifeste, Reprendre la Terre aux machines, œuvre pour un retour à la souveraineté technique. (…)