Lutte contre le gaspillage alimentaire, insertion professionnelle, aide aux plus démunis : tels sont les trois objectifs des Paniers de la Mer, des chantiers d’insertion qui enseignent les techniques de filetage. Leur fédération a fêté ses 20 ans en 2023, mais les défis restent nombreux. Reportage à Lorient.
Tablier bleu, bottes blanches, charlotte sur la tête et couteau à la main, Marc tranche avec vigueur des darnes dans un congre d’au moins cinq kilos. À ses côtés, Anne-Sophie, concentrée et minutieuse, met en filets une belle dorade grise. Installé sur le port de pêche de Lorient, l’atelier du Panier de la Mer ressemble à toute entreprise de mareyage. Mais si son activité est comparable, ses objectifs sont radicalement différents. Sous statut associatif, le Panier de la Mer est un chantier d’insertion qui ne s’inscrit pas dans une logique marchande, mais accueille, pour des contrats d’environ six mois, des personnes éloignées de l’emploi.
Le premier Panier de la Mer a vu le jour en 1997 au Guilvinec. “Les associations d’aide alimentaire n’avaient jamais de poisson alors que, sur le port, des kilos d’invendus partaient à la poubelle ou en farine animale. Au début, les criées ne voulaient pas nous donner de poisson. Il a fallu lutter. Et puis, on a voulu favoriser l’insertion en apprenant à des chômeurs à fileter le poisson”, se souvient Édith Angebaud, l’une des fondatrices du Panier de la Mer, toujours alerte à 90 ans. À l’époque, elle présidait le Secours Populaire du Pays bigouden. Lutter contre le gaspillage alimentaire tout en permettant aux plus démunis de bénéficier d’une alimentation saine et à des personnes en grande précarité de retrouver un emploi : ce sont toujours les trois piliers de la structure qui, depuis 1997, s’est beaucoup développée. Après Le Guilvinec ont été créés des Paniers de la Mer à Lorient et Penmarc’h (réunis sous la même entité Bretagne-Sud), Boulogne, Saint-Malo et Fécamp. Entretemps, une Fédération a vu le jour en 2003, dont l’objectif, comme l’explique son directeur, Jean-Marie Le Buan, “est d’être un facilitateur de l’action des ateliers, de favoriser les synergies. Nous gérons les approvisionnements en poisson et la distribution aux associations caritatives. Nous sommes aussi l’interlocuteur de l’État. Les cinq ateliers restent autonomes dans leur gestion et leurs actions, ils assurent la production des repas et l’insertion professionnelle”.
Basée à Plonéour-Lanvern, dans le Finistère, la Fédération achète des invendus de criées entre 40 et 50 centimes le kilo aux organisations de producteurs (op), structures qui régulent le marché de l’halieu-tique. Sur les 390 tonnes de poissons acquis en 2022, 310 tonnes proviennent des op ; le reste de dons de gms, de mareyeurs, d’entreprises halio-alimentaires… Après leur passage dans les ateliers des Paniers de la Mer, ces 390 tonnes sont transformées en 254 tonnes de produits finis, soit plus d’1,5 million de repas distribués aux associations d’aide alimentaire. “Des repas riches en protéines”, insiste Jean-Marie Le Buan. Entre les subventions de la Direction générale de la cohésion sociale et la vente du poisson aux associa-tions (2,30 € le kilo pour couvrir les frais logistiques), la Fédération – dont le budget avoisine un million d’euros – est à l’équilibre. (…)