Ronan Le Bars s’est fait un nom dans le microcosme de la musique bretonne, mais son expertise aux diverses cornemuses en a fait un musicien recherché dans des univers diversifiés.
Il a de qui tenir, le petit Ronan Le Bars. Son père Adolphe joue de la cornemuse au premier bagad de Perros-Guirec aux côtés d’un certain Yann Goasdoué, futur fondateur des Diaouled ar Menez. La formation anime les lieux touristiques de la Côte de Granit rose. C’est lors d’une de ces prestations que le garçonnet entend un soliste répéter sur son instrument. “Ce fut pour moi comme un flash”, se souvient-il. Ses parents l’inscrivent naturellement au bagad de Guingamp et il reçoit, dès ses huit ans, l’enseignement de Jean-Pierre Quenec’hdu, un pédagogue qui a formé de nombreux sonneurs. Le jeune Ronan affiche rapidement des facilités. Ainsi, il restitue d’oreille à son professeur une partie du répertoire écossais entendu sur un disque de pipe-band que l’enseignant lui a prêté une semaine plus tôt !
Avec le bagad, il participe à sa première sortie à l’âge de treize ans, à la cornemuse, lors d’une fête à Bourbriac. La particularité du bagad de Guingamp est de compter dans son effectif de nombreux sonneurs de couple pour qui l’oralité et le style sont les principaux vecteurs d’apprentissage du répertoire, les partitions ne leur étant quasiment d’aucune utilité. Cette caractéristique ne sera pas sans influence sur la future démarche de Ronan, qui demeurera toujours attaché au terroir Plinn de ses premiers airs.
Le père de Ronan, passionné de musiques celtiques, profite de ses déplacements professionnels pour s’approvisionner en disques à Brest dans le magasin Ar Bed Keltiek. Un soir, il rapporte le disque After the Break, de Planxty, groupe irlandais très à la mode à l’époque. C’est un nouveau coup de foudre pour le jeune sonneur lorsqu’il entend pour la première fois le uilléann pipes de Liam O’Flynn. Il est immédiatement séduit par la sonorité de l’instrument, ses possibilités – il couvre deux octaves – et le système des régulateurs qui permet un accompagnement rythmique et harmonique. Désireux d’en savoir plus sur l’instrument, il achète le disque The Brendan Voyage, œuvre de Shaun Davey mêlant orchestre symphonique et le uilléann pipes de Liam O’Flynn. À l’époque, les musiciens bretons ne sont pas nombreux à pratiquer cette cornemuse irlandaise, tout au plus quelques pionniers comme Alan Kloatr, Alain Le Hégarat et Patrick Molard. Pour son seizième anniversaire, Ronan se voit offrir un stage de uilléann pipes à Confort-Berhet, dans le café le Seizh Avel, haut lieu de la vie culturelle trégoroise. Seulement voilà, Ronan ne possède pas d’instrument : il débarque au stage armé d’un simple tin whistle en si bémol, alors que les élèves jouent tous en ré, ce qui surprend l’animateur Patrick Molard. “Je suis resté dans mon coin à regarder et écouter les autres”, se souvient Ronan. Des âmes bienveillantes prennent en sympathie le jeune Guingampais et lui permettent d’essayer leur instrument, de manière d’abord à assimiler la technique du soufflet, différente de celle de la cornemuse écossaise, puis d’en appréhender le doigté. Un de ses amis de bagad séjourne régulièrement en Irlande et lui rapporte un half-set, la forme basique de l’instrument. Puis Patrick Molard facilite ses démarches pour l’acquisition d’un chanter, le tuyau mélodique. Les planètes sont enfin alignées pour se mettre à l’ouvrage. Ronan Le Bars intègre alors son tout premier groupe, Maogan, avec le guitariste Yvon Riou et le flûtiste Youenn Péron, auxquels viendra s’ajouter le violoniste Christian Lemaître. La formation tourne surtout en Bretagne, mais en 1987, c’est le voyage initiatique vers l’Irlande pour une tournée organisée par Youenn Péron. Ronan en profite pour s’aguerrir dans les sessions des pubs locaux où les musiciens enchaînent reels et jigs des heures durant. À Belfast, il rencontre John McSherry, figure montante de l’instrument qui lui glisse quelques conseils. Cette tournée marquera Ronan. Il confie volontiers une anecdote : “Nous devions jouer dans un hôtel mais à notre arrivée, le personnel n’était pas informé de notre concert, la communication ayant été mal gérée. Nous y avons joué quand même, de manière informelle devant quelques clients. Toutefois, le patron nous a pris en sympathie et m’a montré un chanter signé Leo Rowsome qui croupissait dans un placard. Il avait appartenu à Willie Clancy(1) !” Quelques mois plus tard, à Lorient, une discussion avec David Spillane, autre maître piper, lui apprendra qu’il s’agissait d’un chanter disparu depuis des années et au sujet duquel persistaient certaines interrogations. (…)