Erwan Chartier-Le Floch
Photos : Marc Josse
Sur le port de Saint-Malo, le Fonds de dotation Roullier et son Minerallium proposent une immersion unique dans le monde des minéraux pour comprendre leur importance dans notre chimie et notre alimentation.
Si Saint-Malo est l’une des principales destinations touristiques bretonnes, son port de commerce, au pied de la cité corsaire, est toujours l’un des plus actifs de la péninsule. Un de ses principaux utilisateurs est le Groupe Roullier, expert dans la nutrition végétale et animale qui y a installé son siège. Employant plus de 10 000 collaborateurs dans le monde, dont plus de 800 sur le bassin de Saint-Malo, il pèse près de 2,8 milliards de chiffre d’affaires en 2024.

L’entreprise a été créée en 1959 par Daniel Roullier. L’agriculture bretonne était alors en pleine mutation. Or les sols acides de la péninsule armoricaine ont besoin d’amendements calcaires pour une meilleure croissance des plantes. Daniel Roullier se lance dans la commercialisation de maërl, terme désignant une accumulation d’algues rouges calcaires, établies sur des fonds sableux ou vaseux. Elles constituent des bancs pouvant atteindre plusieurs mètres d’épaisseur sur le littoral du nord Bretagne.
Depuis des siècles, le maërl est utilisé par les paysans bretons, mais Daniel Roullier a l’idée de le faire broyer pour augmenter son efficacité. Dans les années 1960, le groupe se développe et se diversifie avec d’autres produits, comme les phosphates.
Minéral
En 2016, Daniel Roullier crée un Fonds de dotation ayant pour mission d’intérêt général “de faire connaître et favoriser l’agriculture durable, en France et à l’international”, activité qu’il exerce à travers la philanthropie et un vaste espace pédagogique, baptisé Minerallium. “Daniel Roullier, indique Prune Passama, directrice du fonds de dotation, a décidé de créer une exposition permanente pour expliquer l’importance des minéraux pour la nutrition. Il avait constaté qu’il y avait un manque de connaissance sur les minéraux et leur rôle.”

Il acquiert et transforme les bâtiments de l’ancien lycée maritime de Saint-Malo, qui conserve néanmoins sa vocation pédagogique avec ce nouveau centre d’interprétation inauguré en juillet 2021. “Nous accueillons un public varié, ajoute Prune Passama, il y a des partenaires du groupe, des scientifiques, mais également des scolaires.” Durant les vacances d’été, le fonds de dotation envisage de s’ouvrir, sur réservation, au grand public qui constitue déjà un quart des 3 000 visiteurs annuels.
Pour créer ce Minerallium, il a été fait appel à des experts, notamment, François Farges, responsable de la galerie de minéralogie du Muséum d’Histoire naturelle de Paris. Le parcours a été imaginé et mis en œuvre par la muséographe Aude Planterose et le designer Benjamin Graindorge. C’est une installation de ce dernier qui accueille d’ailleurs le visiteur dans le hall du Minerallium. Un vaste ensemble de bois, symbolisant les plantes et leur nutrition minérale, mais aussi la complexification du vivant.
Histoires naturelles

Le parcours débute par une évocation de la création de la matière et de l’univers, après le Big Bang il y a 13,8 milliards d’années, avant de passer à la naissance du système solaire, puis de la Terre. Dans ce premier espace d’exposition, plusieurs roches très anciennes sont exposées, pour mieux comprendre la formation de notre planète, il y a 4,55 milliards d’années, qui n’était alors qu’une boule de matière en fusion, bombardée par des météorites. Ces dernières ont apporté une partie des minéraux encore présents dans le sol. “On montre comment les premières roches se sont formées il y a 4,4 milliards d’années”, note Prune Passama.
Grâce à des fossiles, les premières formes de vie, issues du minéral, sont mises en avant. Elles captent une partie du CO2 dans les océans, puis, en se mourant et en se décomposant, elles sont à l’origine de nouvelles formes minérales. La complexification du vivant est aussi exposée, avant l’apparition des premiers animaux qui captent le calcium, essentiel pour les coquilles, les dents ou les ossements. Autre révolution, il y a 440 millions d’années : la vie sort des océans. Des végétaux terrestres se développent, avec des systèmes racinaires qui vont capter les minéraux dans le sol, puis des animaux terrestres. “Plus de 4 800 minéraux sont répertoriés actuellement sur notre planète, indique Prune Passama. On en découvre régulièrement des nouveaux. Ils sont répartis en dix classes chimiques, dont la plus importante est celle des silicates. Ils possèdent chacun des propriétés et des compositions chimiques différentes. Certaines particularités sont recherchées pour l’agriculture.”
La suite est à lire dans ArMen n°267 (juillet 2025)



