Cela fait quelques années qu’il n’est plus possible de trouver l’œuvre complète de la romancière Jeanne Nabert, celle qu’on pourrait qualifier de “Maupassant du Cap Sizun”, dans les rayons de nos librairies. Elle a pourtant donné son nom à la médiathèque de Pont-Croix en 2018, et fait l’objet d’une thèse de doctorat remarquable soutenue à Brest par Joëlle Édon-Le Goff en 2003 sous le titre : Jeanne Nabert et la littérature régionaliste bretonne, conformités et dépassements.
“As-tu lu l’Îlienne ?” C’est en ces termes que j’abordais tout parent ou ami candidat à un voyage à l’île de Sein. Je m’empressais alors de piocher dans mon stock le roman de Jeanne Nabert que je croyais à cette époque inépuisable, pour lui en offrir un exemplaire, en précisant : “Lis-le, tu ne reviendras pas indemne de cette rencontre littéraire, spirituelle et marine.”
Alors mon voyageur prenait le bateau à la cale d’Esquibien et commençait la traversée tant de fois entreprise par Jeanne Nabert pour ressentir comme elle ce qui sera toujours l’étonnement de l’arrivée sur cette bande de terre livrée à l’assaut des vagues : “À première vue, l’île m’apparut décevante, plate, grise, assez pareille à une étroite bande de terre sablonneuse entre des montagnes d’eau prêtes à se refermer sur elle. Même les cormorans devaient hésiter à s’y poser. On pouvait seulement se demander par quel prodige les masses liquides qui la surplombaient demeuraient ainsi en équilibre.”(1)
L’Îlienne… un roman “magique”, tant par la force qui se dégage de la peinture des paysages, que par celle des tempéraments qui animent et motivent les personnages. Un drame intimiste va se nouer au sein d’une nature démiurgique où l’auteure met au diapason les forces naturelles et la psychologie des protagonistes…