Dès l’adolescence, Annie Ebrel s’est plongée dans le monde du kan ha diskan pour ne plus jamais en sortir. Elle a, depuis, multiplié les expériences autour de la voix, passant du fest-noz de quartier aux grandes scènes, accompagnée de musiciens prestigieux.

Née à Lohuec, près de Callac, d’une famille de paysans, Annie Ebrel a vécu dans un environnement bretonnant. “Autour de moi, tout le monde parlait breton, mes parents, mes grands-parents et tout le voisinage, souligne-t-elle. Ma sœur et moi n’avons pas été élevées en breton, mais rapidement je me suis aperçue que je comprenais la langue même si je ne la parlais pas.”

À l’âge de treize ans, elle commence à chanter dans les festoù-noz de son canton, avec son premier compère, Yannick Larvor. Le couple s’inscrit à l’épreuve locale du Kan ar Bobl et se qualifie pour la finale. Et lorsque Daniel Jiquel, journaliste de France Bleu Breizh Izel, souhaite l’interviewer en breton à l’issue de la prestation de Lorient, c’est la grand-mère d’Annie qui répond aux questions. Cet événement agit comme une étincelle : il lui faut désormais apprendre la langue dans laquelle elle chante et, qui plus est, lui a permis de remporter un prix ! Un exercice pas forcément facile comme elle l’avoue volontiers : “Il faut accepter d’être parfois ridicule lorsqu’on commet des erreurs, et accepter de se mettre à nu devant des aînés nettement plus compétents que soi.” Elle sollicite donc sa famille pour converser en breton. Elle suit par ailleurs les cours de Jef Philippe au lycée Notre-Dame de Guingamp, des purs moments de plaisir partagé tant la langue du professeur était proche du breton populaire. “On s’amusait beaucoup, en se racontant des bêtises”, en sourit-elle encore aujourd’hui. Ce parcours se conclut quelques années plus tard par une maîtrise de breton à l’université de Rennes ainsi qu’une licence d’ethnologie à Brest sous la direction de Donatien Laurent !

En 1984, le Kan ar Bobl lui donne l’occasion de nouer connaissance avec Yann Fañch Kemener, venu honorer l’invitation qui lui était faite de fêter les dix ans de la révélation de son talent. Une rencontre déterminante. Yann Fañch décèle le potentiel que représente cette voix, et débarque à l’improviste au domicile familial d’Annie Ebrel deux jours plus tard ! Ces échanges ouvrent des portes à la jeune chanteuse jusque-là cantonnée au répertoire de son terroir. Son père lui ayant acheté le 33 tours Chant à danser du couple Kemener-Marcel Guilloux, elle fait en sorte d’en décortiquer les moindres inflexions, de chercher à comprendre les subtilités de la pulsation des danses plinn et fisel déclinées par le fameux duo. Elle participe, toujours avec Yannick Larvor, à un stage en 1985 à Plestin-les-Grèves encadré par Erik Marchand et Marcel Guilloux. Ce dernier, en pédagogue doté d’un flair redoutable, repère à son tour la stagiaire, et la prend sous son aile en l’invitant à chanter avec lui dans les festoù-noz. “Je n’avais pas d’ambition particulière, j’ai toujours adoré chanter, confie-t-elle, car le chant m’avait permis de surmonter ma timidité.” Elle raconte : “Un jour, l’instituteur m’avait fait sortir du groupe lors de la leçon de musique, pour me mettre en position de soliste. Je me suis alors rendu compte que je pouvais chanter en dehors d’un groupe.”

Nul doute que de bonnes fées s’étaient penchées sur le berceau de la jeune fille. Pour autant, on comprend, lorsqu’elle évoque ses débuts, que rien n’aurait été possible sans un travail acharné, de fourmi. Ainsi enregistrait-elle ses “imitations” du duo Kemener-Guilloux sur des cassettes, en posant sa propre voix en miroir des références.

Bien sûr, le duo qu’elle forme pendant des années avec son maître Marcel Guilloux sera la meilleure des écoles. “Il savait très bien expliquer sans rentrer dans des termes techniques.” Les scènes de festoù-noz constituent l’ordinaire du couple. Le public ne s’y trompe pas et lui réserve souvent des ovations tant le style, la qualité de la scansion, le caractère percussif très marqué, réjouissent les danseurs, à l’exemple de ceux du Printemps de Châteauneuf qui ont invité régulièrement Marcel et Annie. Beaucoup se souviennent de ces moments magiques où le parquet est traversé par un délicieux frisson. (…)

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