En 1961, Yann Fouere, Alan Heusaff, Gwynfor Evans et J.E. Jones créaient au Pays de Galles la « Celtic League » pour rassembler tous les partis nationalistes des pays celtiques. Comment vit cette organisation aujourd’hui ? Quel est l’état de la langue, de la culture, de la politique en Écosse, au Pays de Galles, en Bretagne, sur l’île de Man, en Irlande et en Cornouailles ? Et du journal qui les relie ?
Quand on lit, au mois d’août 2022, le 182e numéro de Carn, journal trimestriel de la League (appelé » Breton News » jusqu’en 1972), on voit que le pari du multilinguisme est presque gagné : si les trois quarts du journal sont en anglais, on y trouve aussi du breton, du gaélique d’Irlande et d’Écosse, du cornouaillais, du gallois, du manxois. Rien pour les francophones. L’anglais est la langue qui relie toutes les nations.
En 1965, la League avait envoyé à l’ONU un texte de 65 pages demandant le droit à l’autodétermination pour l’Écosse, la Bretagne et le Pays de Galles. La Celtic League American Branch est née en 1974. En Bretagne, Alan Heusaff, Bernard le Nail, Yann Guillamot et maintenant Gi Keltik (avec une équipe d’une dizaine de contributeurs dont Thierry Jigourel, Yann Jestin…) ont dû être des anglophones avertis pour pouvoir écrire des articles et participer pleinement à la vie de l’organisation.
La réunification de la Bretagne retrouvant la Loire-Atlantique, celle de l’Irlande du sud à l’Irlande du nord sont des luttes souvent mentionnées dans le journal Carn. Avoir des médias où la langue est bien présente, à l’exemple des médias écossais ou gallois avec S4C, peut permettre, comme l’a fait Brezhoweb, de revendiquer un statut plus professionnel de l’audiovisuel en Bretagne. Si Diwan a été créé en Bretagne, c’est grâce aux luttes des Gallois et des Basques pour l’immersion à l’école. Être informé, cela veut dire pouvoir voir qu’il n’est pas impossible de faire respecter davantage les langues celtiques et les droits de chacune d’entre elles.
Une « identité culturelle celtique moderne », voici ce que revendiquent tout simplement Carn et la League. Avec une histoire partagée depuis le Moyen Âge, des échanges maritimes, économiques, littéraires, le revival folk des années 1970, mais aussi tout le travail mené par les très grands festivals de Lorient, Glasgow, Edinburgh, dans les Eisteddfod gallois, etc… Il est évident que cette identité celtique existe chez les artistes, créateurs, militants politiques et culturels. Pourtant il reste beaucoup de travail en ce qui concerne la politique linguistique. Or, sans langue celtique, pas de pays celte…
Comment faire connaître cette revue qui paraît un peu confidentielle ? Comment faire en sorte que les luttes actuelles pour les droits politiques et linguistiques en France soient aussi efficaces que celles menées en Grande-Bretagne par le Pays de Galles et l’Écosse, par exemple ?
Le site Internet est beau, bien fait. La page Facebook informe sur les derniers numéros de Carn et sur les luttes actuelles. Mais comment aller plus loin, informer les jeunes générations, les sensibiliser ? Aider Gi Keltik qui travaille en solitaire depuis des années ?
Pourtant, pendant cinquante ans, le journal n’a jamais cessé de paraître. Pour Bernard Moffatt, le directeur actuel de la revue : « Produire Carn est une opération complexe », basée sur le bénévolat des contributeurs car aucun d’entre eux ne perçoit de salaire. La liberté a un prix : Carn ne bénéficie d’aucune subvention, de la part d’aucun organisme ni collectivité. Espérons qu’à l’avenir les politiques linguistiques et les statuts des langues celtiques puissent évoluer favorablement partout !
Site de Carn : https://www.celticleague.net/carn/