Liberty ships, Saint-Nazaire

À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement français décide de l’importation massive de biens manufacturés et matières premières en provenance des États-Unis. Une formidable opportunité pour Saint-Nazaire qui est un des rares ports de la façade atlantique rapidement opérationnel et apte à recevoir les Liberty Ships, ces navires de la liberté qui, après avoir assuré l’effort de guerre des alliés, sont désormais engagés dans la reconstruction de l’Europe.

En 1945, le redémarrage du port de Saint-Nazaire est prioritaire, au détriment des ports de fond d’estuaire comme Nantes, Rouen et Bordeaux. Encore faut-il déminer : environ 500 prisonniers allemands sont mis à contribution. Le 24 mai 1945, la vedette des Ponts et Chaussées L’écho, après avoir sondé le chenal d’entrée au port, conclut que la navigation va pouvoir reprendre rapidement sans danger malgré la présence de trois navires coulés dans les parages. La dernière incertitude tient à la présence éventuelle de mines sous-marines pas encore neutralisées. Une dizaine de jours plus tard, une délégation américaine de la War-Shiping-Administration visite Saint-Nazaire pour vérifier les possibilités d’accueil de Liberty Ships de 10 000 tonnes. Au même moment, Brest est déjà opérationnel, avec 1 000 tonnes déchargées chaque jour. Les deux grands ports bretons ont acquis une bonne réputation chez les Américains depuis 1917, lorsqu’ils furent les têtes de pont du corps expéditionnaire us en Europe. Ils ont aussi le gros avantage d’être les ports d’Europe continentale les plus près de la côte est américaine. 

Durant l’été, douze dragueurs de mines recherchent inlassablement les dernières mines sous-marines. Les sept entreprises nazairiennes portuaires qui ont créé un pool de manutention recrutent 800 dockers. Pour attirer les bras disponibles, le salaire des dockers est aligné sur celui des ouvriers du bâtiment. La rapidité de déchargement est cruciale dans la concurrence entre les ports. Les dockers doivent pouvoir être logés au plus près des quais, chose impossible à Saint-Nazaire, la ville étant détruite à 75 %. La disponibilité de la main-d’œuvre est cruciale pour travailler en 3-8 ou en 2-8. Pour atteindre cet objectif, les autorités mettent à disposition un appoint de main-d’œuvre allemande. Les dockers s’activent aux préparations de la réception du premier Liberty Ship, gardant en tête l’affaire du cargo Silas-Weir-Mitchell survenue le 10 juillet 1945. Alors qu’une partie de sa cargaison de sucre était déjà à quai, les dockers avaient dû stopper leur travail, l’allègement du cargo permettant de remonter sur Nantes, qui avait le gros avantage d’être à proximité immédiate des usines de transformation. 

Le 15 août 1945, soit trois mois après la libération de la “poche” de Saint-Nazaire, le Liberty Ship Zane-Grey arrive de Philadelphie. Il vient de faire escale à Brest où il a déchargé 3 000 tonnes de charbon. Les 6 000 tonnes restantes sont destinées aux sociétés charbonnières nantaises. Sans encombre, le navire américain se met à couple avec le Paul-de-Rousier au quai des Charbonniers du bassin de Penhoët. Les Nazairiens découvrent, peintes sur sa cheminée, trois silhouettes d’avions et trois croix gammées, qui témoignent de l’engagement de ce navire dans l’armada alliée, sa défense anti-aérienne s’étant illustrée par trois fois contre la Luftwaffe à Anzio et en Sicile. (…)

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