Si son berceau est bien la Chine, le thé s’est implanté, depuis, sur bien d’autres continents, pays et terres. La Bretagne en fait partie. Oui, le thé cultivé et produit en Bretagne, c’est bien une réalité, même si la production demeure encore modeste. Vous n’y croyez toujours pas ? Eh bien, jetez un œil au palmarès du concours international 2020 de l’avpa (Agence pour la valorisation des produits agricoles), à Paris : à la troisième place, on trouve un thé blanc issu de la culture de Michel Thévot à Sibiril, dans le Finistère. Plus au sud, dans le Morbihan, Weizi et Denis Mazerolle développent, eux, une activité économique à part entière, sur les bords du Blavet, avec un projet de plantation d’une dizaine d’hectares.
Précurseurs, Michel Thévot et Denis Mazerolle ? Pas vraiment. D’autres s’y sont mis avant eux mais sans trop y croire, semble-t-il. Pourtant, cette terre bretonne a toutes les vertus pour faire pousser ces fameux Camellia sinensis. Ainsi, en 1839, un certain Monsieur Guillemin, botaniste au Muséum d’histoire naturelle de Paris, notait dans son rapport remis au ministre de l’Agriculture de l’époque qu’il était tout à fait possible de mener des cultures de thé en Bretagne. Il avait été envoyé au Brésil qui cultivait alors du thé en grande quantité. Ses observations l’avaient conduit à orienter le choix des régions à fort potentiel vers “les départements de l’ancienne Bretagne” : “J’insiste sur cette idée, par la raison que le climat humide de ce pays exerce une influence très favorable au développement des feuilles de plusieurs arbustes analogues aux thés. Ainsi, les camellias passent l’hiver en pleine terre dans diverses localités du département du Finistère où ils se font remarquer par leur beau feuillage.”
“Des tentatives de plantations ont bien été menées au cours de ce xixe siècle mais sans suite et sans succès”, assure Pascal Viel, ingénieur horticole et gestionnaire des collections végétales dans les parcs départementaux du Finistère. Il a notamment en charge celui de Trévarez, là où ont été plantés en 1971 des plants de Camellia sinensis, apportés depuis les pépinières Hillier, installées dans le sud de l’Angleterre. Cinquante ans plus tard, “les cinq plants forment un beau massif, fait remarquer Pascal Vieu. Ils sont très résistants pour avoir supporté les grandes vagues de froid des années 1980.” Sachant en plus que la plantation se trouve orientée plein nord. Depuis, d’autres théiers et d’autres variétés ont été plantés à Trévarez en 2011, puis l’an passé. Et on retrouve aujourd’hui des théiers baptisés “Trévarez” au bord du Blavet, à Languidic, chez Weizi et Denis Mazerolle. “Avec mon épouse, nous avons une véritable passion pour les plantes en général, et pour le thé en particulier, depuis très longtemps. Il y a une petite quinzaine d’années, nous avons pu nous procurer dix plants de Camellia sinensis que nous avons plantés dans une prairie de notre propriété.” Si “les chevreuils en ont dévoré la moitié, nous nous sommes rendu compte que ceux qui avaient été épargnés ont bien poussé, au point de dominer ronces et fougères”. L’expérience s’est donc prolongée avec la cueillette des premières feuilles un jour de printemps : “Nous avons commencé à faire un thé de manière très artisanale, dans notre cuisine, il y a 6 ou 7 ans et, bonne surprise, nous l’avons trouvé particulièrement bon.” Dès lors, “nous avons décidé d’étendre la plantation avec la mise en terre de 200 théiers en 2015”.