Des initiatives mais aussi beaucoup d’échecs

Si la mémoire industrielle s’effrite au rythme des fermetures d’usines, elle n’est pas fatalement condamnée à l’oubli. Partout en Bretagne, des habitants s’organisent pour la faire vivre. Parfois soutenues par les pouvoirs publics, les associations peuvent malgré tout se heurter à de nombreux obstacles.

Quand la mémoire est entretenue uniquement par d’anciens ouvriers ou passionnés, il est parfois compliqué de trouver un relais. “On est la dernière génération à pouvoir en parler”, confie Michel Evrard, cofondateur de la Sirène, à Fougères. Lui et sa femme, Nelly, ont donné naissance à cette association qui agit depuis dix ans pour transmettre la mémoire des chaussonniers. Tous les étés, ils mettent en place un musée mémoriel, où ce savoir-faire est exposé aux côtés du matériel d’époque et d’anciennes productions.

Si ce collectif disparaît, la mémoire ouvrière risque de tomber dans l’oubli. Et pour cause, les souvenirs de cette époque sont presque uniquement sauvegardés grâce au dévouement de ces anciens ouvriers rejoints par des habitants passionnés. “La valorisation peut tenir à peu de chose. Un adjoint, une association, des moyens…”, assure Christian Le Bart, politologue et enseignant-chercheur à l’université de Rennes i. Jean Hérisset incarne parfaitement ce dévouement à la mémoire ouvrière. Lunettes, cheveux gris et blouson en cuir sur le dos, il en connaît un rayon sur l’histoire industrielle de Fougères. Ancien responsable des archives municipales, il a organisé, à son initiative, plusieurs expositions sur les luttes syndicales.
De son côté, la municipalité a annoncé qu’une infrastructure dédiée à la mémoire de la ville devrait prochainement voir le jour. Celle-ci ne sera pas uniquement liée à la chaussure et ne pourra pas totalement combler les envies de la Sirène. “Le Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (Ciap) n’aura pas la place d’accueillir un tel projet”, confie Samuel Linard, animateur patrimoine de Fougères. Ce lieu consacrera un tiers de sa surface totale (250 m²) à l’histoire de la chaussonnerie.

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Fougères, en souvenir des chaussonniers

Les friches industrielles portent en elles l’histoire d’une époque révolue. Réhabiliter, détruire pour reconstruire, ou vendre ? À Fougères, en Ille-et-Vilaine, certains se mobilisent pour sauvegarder ce patrimoine. Pour eux, détruire une usine, c’est abattre un pan de mémoire.

Quand les entreprises baissent le rideau, les travailleurs quittent les cités, mais les bâtiments restent. Elles laissent une empreinte visible, font l’identité d’une rue, d’un quartier, d’une ville. Pourtant, le souvenir de ces passés industriels peut s’effriter quand les sites sont laissés à l’abandon. L’avenir de ces bâtiments, tantôt réhabilités, tantôt rasés, alimentent les discussions et les désaccords. Certaines initiatives d’habitants ou de collectivités territoriales permettent néanmoins d’offrir une seconde vie à ces lieux, et ainsi de conserver une trace du passé de ces bastions industriels.
C’est le cas de la Maison du peuple à Fougères, à 30 minutes de Rennes. L’avenir de cet endroit pose aujourd’hui question. Le bâtiment, financé et construit par et pour les ouvriers en 1908, comprenait “un cinéma, un service d’aide sociale, des bureaux pour les syndiqués”, liste Jean Hérisset, ancien animateur du patrimoine et archiviste à la Ville de Fougères. L’union locale de la cgt souhaiterait voir la commune acquérir le lieu, aujourd’hui à l’abandon. Les municipalités sont en effet des acteurs majeurs dans la préservation de ce genre de site. La sécurisation du lieu, par exemple, relève de la responsabilité des communes. “Il faut faire l’inventaire des dangers et ensuite sécuriser le bâtiment, évoque Myriam Cau, urbaniste spécialiste des friches. Sans les mairies, rien ne se passe. Même lorsque ces sites appartiennent aux promoteurs privés, toute transformation se déroule sous le contrôle des institutions, notamment par le biais des permis de construire ou des plans d’urbanisme.”

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Les sardines en mémoire à Loctudy. La conserverie Le Gall, témoin privilégié de l’Histoire

Maintes fois relatée dans de nombreux ouvrages, l’histoire des conserveries de poisson n’avait toujours pas son musée à part entière. Une exposition temporaire avait été réalisée en 1991 au château des ducs de Bretagne, “Comme des sardines en boîtes”. Le musée de la pêche de Concarneau lui consacre un espace permanent présentant notamment une ancienne presse et une sertisseuse. Le Port-musée de Douarnenez a ouvert, en 2006, une exposition permanente nommée “L’art de fixer les saisons”. Mais point de lieu entièrement dédié à cette activité. L’ancienne conserverie Le Gall, à Loctudy, comble aujourd’hui ce manque.

Tout le littoral atlantique était concerné. La pêche à la sardine a rythmé la vie des populations côtières de la pointe de Penmarc’h jusqu’au Pays basque. Pratiquée au printemps et pendant l’été, lors des migrations de ce poisson argenté, cette pêche va engendrer un essor considérable des industries de conserverie de poisson. C’est à la fin du XIXe siècle qu’elle atteint son apogée, faisant vivre une nombreuse population côtière : pêcheurs, ouvrières d’usine, négociants, épiciers, transporteurs, sertisseurs, constructeurs de bateaux et de filets… Tous répondaient à une forte demande en pleine croissance. La conservation d’aliments, rendue possible grâce au principe de l’appertisation, permet d’envoyer dans le monde entier ces boîtes de sardines recherchées pour leur apport en protéines. C’est le premier poisson mis en boîte ! Une vraie révolution. En Bretagne, à la fin du XIXe siècle, on dénombre près d’une centaine de conserveries de poisson.

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Retrouvez l’ensemble de ce dossier dans le numéro 245 d’ArMen

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