C’est une passion commune pour la musique qui a amené Fabrice Picard à poser son objectif sur le travail du luthier Tanguy Fraval, dont l’atelier est installé dans le cœur historique de Saint-Brieuc.
De l’ébénisterie à la lutherie
Ayant pratiqué la guitare à l’adolescence, attiré par le travail du bois et développant une certaine appétence pour les langues, Tanguy Fraval entreprend l’apprentissage de l’ébénisterie et s’oriente rapidement vers la lutherie. Il part, avec l’accord parental, à la Newark and Sherwood College où il passe cinq ans. Il commence par deux années autour de la guitare puis se lance dans la lutherie de violon pendant trois ans. Décidément grand voyageur, c’est à Berlin qu’il trouve son premier emploi dans la restauration d’instruments anciens. Enfin, il s’installe à Bruxelles pendant neuf ans, d’abord chez un luthier, avant de s’y mettre à son compte. Comme tout luthier, il fait initialement beaucoup de réglages d’instruments, un travail très important à ses yeux, car, souligne-t-il, “le sens du métier est de rendre l’outil du musicien agréable, avec la sonorité la plus développée possible”. Cela lui donne l’occasion de régler de magnifiques instruments, comme des Stradivarius ou des Guarneri ! Travailler sur de tels instruments lui permettra de perfectionner les détails et de s’en inspirer pour ses propres fabrications. Les techniques ont évolué avec l’apport des sciences acoustiques, toutefois, les luthiers italiens du xviie mettaient également en jeu des calculs sophistiqués dans l’exercice de leur art. À la différence de l’époque, les luthiers peuvent à présent facilement échanger, ce qui permet d’améliorer les connaissances et d’apporter une certaine diversité sonore. Avec quelques confrères, il a constitué une association, le Collectif de Lutherie de d’Archèterie contemporaine, qui vise à accompagner les musiciens dans leurs recherches sonores et à promouvoir leurs travaux lors d’événements musicaux.
En 2016, Tanguy Fraval décide en famille de revenir vers ses racines, sa mère étant originaire de Plonévez-du-Faou. Il s’installe dans une dépendance du château de la Houssaye, à Quessoy, dans les Côtes-d’Armor, un “lieu vibrant” confie-t-il, mais peu pratique pour rencontrer ses clients ou pour participer aux activités du Collectif. Et finalement, c’est à Saint-Brieuc qu’il s’installe en 2019. Son réseau se situant plutôt dans le Benelux, l’Allemagne ou la Pologne, il vise à présent une clientèle française voire américaine, l’objectif étant de rencontrer les instrumentistes afin de mieux saisir leurs désirs en matière de timbre et de confort de jeu.
Cabinet de curiosités
Fabrice Picard confie volontiers avoir été fasciné par le travail du luthier, avec ce mystère qui fait qu’une pièce de bois devient vecteur de musique, et sans doute plus encore parce que beaucoup d’utilisateurs d’un objet artistique ignorent tout ou partie de sa fabrication. Pour lui, “la lutherie révèle l’intelligence humaine dans ce qu’elle a de plus beau”. Et justement, pour créer ces extensions du corps du musicien que sont les instruments, il faut créer d’autres objets, outils ou objets intermédiaires comme des moules et des gabarits que le luthier ne voit plus tant il les utilise au quotidien mais qui racontent de multiples tracés d’instruments. Le photographe, lui-même ancien violoniste, a porté son regard sur ces formes voluptueuses qu’il a intégrées au site de Tanguy Fraval, dont il s’est vu confier l’élaboration. Ce “cabinet de curiosités” ajoute une différence au site et vient rappeler au visiteur que la lutherie raconte une histoire sensorielle autant que technique. Les instruments du quatuor – violon, alto et violoncelle –, tout en courbes, ont de tous temps séduit les peintres. Pas étonnant donc qu’un photographe s’en soit saisi à son tour. n