Il aime la photo, elle adore les belles histoires. De là est née une équation propice à la création. L’image et le son ont servi leur besoin viscéral de témoigner. Avec l’amour des gens pour moteur, les injustices du monde en mépris et la soif de partage comme carburant, Nicole et Félix Le Garrec ont construit une œuvre audiovisuelle dont la valeur grandit avec les années.
C’est un couple qui flirte avec l’éternité. 62 ans de vivre-ensemble, “ça commence à être sérieux”, euphémise Nicole Le Garrec. Les plaisanteries de l’un, le rire de l’autre et leurs regards complices sont à faire fondre les cœurs aus-tères. Mais ce n’est pas cette connivence intacte qui les a rendus célèbres. Leur renommée s’est faite sur fond de pellicule en noir et blanc. Elle a déjoué les déterminismes sociaux, il a fait mentir les projections familiales et, ensemble, ils ont écrit le scénario d’une vie à leur mesure.
“Je me formais au métier d’ajusteur. Ma famille était à la tête d’une conserverie à Plonéour-Lanvern. Je devais rejoindre l’entreprise et puis j’ai intégré le sanatorium pour me soigner de la tuberculose. C’est là qu’un ami m’a montré qu’une image pouvait apparaître sur une feuille blanche. Miracle ! C’était quelque chose que je n’avais jamais imaginé.” La photo venait de percuter la vie de Félix Le Garrec. À 19 ans, il abandonne la mécanique industrielle pour les chambres obscures. Son intérêt pour la technique l’amène à bricoler ses propres machines à capter la lumière. Sa famille a-t-elle tiqué à l’annonce de ce revirement professionnel ? “Détail” répond-il. En 1956, il ouvre son magasin de photographe à Plonéour-Lanvern. Portraits, mariages, communions. Les sujets défilent au magasin et, fidèles aux usages d’époque, posent sans sourciller. “Ça man-quait terriblement de vie et de mouvement ! À la fin, j’emmenais tout le monde sur la plage.” Les mariés, sommés d’enlever leurs souliers, sont immortalisés hirsutes, courant sur le sable. La mise en scène tota-lement décalée comble les jeunes époux autant qu’elle horrifie les anciennes générations. (…)