Louis-Marie Faudacq (1840-1916) a été pendant 40 ans un observateur attentif de la vie foisonnante du littoral des Côtes du Nord, en associant son métier de douanier à une pratique artistique. À travers ses nombreux croquis, carnets de dessins, huiles et aquarelles, cette invitation prend la forme d’un reportage vivant et coloré, ponctué d’anecdotes sur la vie rurale et maritime du Trégor et du Goëlo au tournant des deux siècles. Faudacq ou l’écriture des champs et des grèves, par le dessin, par l’aquarelle sur le motif, en empruntant, depuis la côte, les chemins de traverse de Paimpol à Tréguier.
Le travail artistique de Louis-Marie Faudacq fournit un matériau original important pour l’ethnographe et l’historien. En effet, ses dessins, croquis et aquarelles relèvent d’un souci de précision sur les techniques artisanales de construction et d’entretien des navires, sur les activités de pêche côtière et d’estran (goémoniers, pêche à pied), sur les manœuvres de port et d’échouage, pour charger ou décharger une gabarre, sur le jeu des voiles et des gréements, selon les conditions différentes de navi-gation. Il s’aventure également à l’intérieur des terres, au plus près des marins-paysans, du Trégor et du Goëlo, qui pratiquent une pluri-activité littorale depuis au moins le xviiie siècle, que rapportent les enquêtes de Le Masson du Parc, inspecteur de la Marine au début du xviiie siècle, en citant les “pêcheurs de pied-laboureurs”.
Hommes et bateaux au temps de la voile de travail
Sont mises en illustrations les nombreux voiliers de travail, qui sillonnent en cette fin du xixe siècle les côtes du Trégor et du Goëlo, les estuaires et les ports de Lézardrieux à Loguivy, de Bréhat à Tréguier, les grands ports armant à Islande, comme Paimpol ou au commerce comme Tréguier et le plus grand port homardier de la Côte Nord : Loguivy-de-la-Mer. Sloops de pêche et de bornage, bocqs, goélettes de cabotage et de grande pêche, bricks, dundees, chasse-marées, chaloupes gréées en lougre, simples misainiers constituent la dernière flottille de la voile de travail d’une fin de siècle, où la vapeur commence à concurrencer les voiliers. Les scènes de régate, la nouvelle plaisance, côtoient la flotte de guerre, les navires de service des Ponts et Chaussées, les fins pilotes…
Les scènes de navigation et d’échouage récurrentes permettent souvent de situer telle anse, telle baie, tels petits ports. Le bali-sage est en plein développement : tourelles et balises apportent un repère dans chaque dessin et alignent une note de couleur. À la manière d’un Isabey, d’un Jongkingd ou d’un Boudin, l’artiste est sensible aux conditions de lumière, aux variations d’un ciel breton de n’importe quelle couleur. Il adapte sa palette pour traduire l’esprit des lieux. On oserait dire que chaque dessin est un poème, un temps aquarellé. Le théâtre de la grève est son cadre privilégié : les scènes goémonières, les corps tendus vers la capture des pêcheuses à pied, les déchargements de marées fertiles avant que l’auteur ne quitte la vase bleue pour le bourbier et les méandres des chemins creux, où se tordent les grands arbres pendant l’hiver… Ses dessins racontent une histoire ou la précèdent, anticipant la page suivante, en livrant des anecdotes : les vaches, cornes dressées, meuglent sous la baguette du jeune vacher qui les garde, en travaillant au couteau des petites maquettes de gabarres et autres voiliers, en rêvant de voyage au long cours… Tant de fois cette histoire nous a-t-elle été racontée… (…)