Manu Holder

Avec les coccinelles et les abeilles, les papillons jouissent d’un capital “sympathie” qui rendrait jaloux n’importe quel autre insecte, que ce soient les punaises ou les moustiques. Leur comportement et leur allure en font les insectes parfaits pour l’homme.

Machaon (DR : Manu Holder).

Les papillons appartiennent à un ordre d’insectes qu’on appelle lépidoptères, littéralement “les ailes avec des écailles”. Ces écailles recouvrent les quatre ailes des papillons et permettent d’en augmenter la surface et donc la portance. C’est grâce à elles que ces insectes peuvent papillonner de fleurs en fleurs mais aussi s’envoler à quelques dizaines de mètres du sol. C’est aussi elles qui dessinent des motifs plus ou moins colorés et permettent aux naturalistes de déterminer les différentes espèces. Quelques-uns utilisent ces ornementations pour impressionner leurs prédateurs en étalant des ailes aux couleurs vives ou en affichant des formes qui ressemblent à des yeux comme chez le paon du jour. Chez les mâles de certaines espèces, ces mini-tuiles diffusent des substances sexuelles qui attirent les femelles.

Un insecte qui se métamorphose

Le papillon incarne l’archétype de la métamorphose de l’insecte. L’œuf donne naissance à une chenille qui, après plusieurs mues, se métamorphose en nymphe puis en adulte avec des ailes. Chez les papillons et d’autres insectes, cette métamorphose est complète et on dit qu’ils sont “holométaboles”, les larves ne ressemblent en rien aux adultes. A contrario, les “hétérométaboles” désignent des insectes dont le développement est progressif. Chez les criquets et les punaises, par exemple, les larves ressemblent aux adultes en miniature. De l’éclosion de l’œuf au stade adulte, le développement se déroule par mues successives.

Le régime alimentaire des papillons est commun à toutes les espèces, les chenilles sont pratiquement toutes herbivores et les adultes se nourrissent de nectar. Leur trompe leur sert à aspirer cette substance fabriquée par les fleurs. Il leur arrive aussi d’aspirer le jus des fruits bien mûrs qui sont écrasés au sol ou encore d’autres liquides plus ou moins sucrés comme le miellat.

Les papillons adultes ne se nourrissent pas tous. Chez certaines espèces, la vie adulte est tellement courte qu’ils ne prennent pas le temps de butiner et consacrent la totalité de leur temps à chercher des partenaires et à se reproduire. Pour les chenilles herbivores, chaque espèce a ses affinités, ses plantes-hôtes où l’adulte va pondre ses œufs pour que les larves puissent se nourrir dès leur naissance. Pour des espèces communes comme le paon du jour, la petite tortue ou le vulcain, la plante-hôte est l’ortie et il faut en garder dans son jardin si on aime les voir papillonner. Pour d’autres espèces, les plantes-hôtes sont moins répandues et engendrent leur raréfaction comme l’azuré des mouillères qui pond ses œufs dans la corolle de la gentiane pneumonanthe, une fleur devenue rare.

Belle de nuit, belle de jour

Les généralités s’arrêtent là puisque, c’est bien connu, le monde des papillons se partage en deux. D’un côté, les papillons de nuit, les hétérocères, avec des antennes plumeuses, pennées ou filiformes et, sauf exceptions, des ailes étalées sur le corps quand ils se reposent. Leurs couleurs sont rarement éclatantes et la plupart des espèces sont nocturnes à part quelques exceptions comme les zygènes, les moro-sphinx ou d’autres espèces. De l’autre, les papillons de jour, les rhopalocères, avec des antennes fines qui se terminent en massue. Au repos, leurs ailes sont étalées de chaque côté du corps ou dressées à la verticale. Toutes les espèces de rhopalocères sont diurnes et la plupart d’entre elles arborent des couleurs vives.

Les hétérocères regroupent des milliers d’espèces dont la plupart sont inconnues du grand public et même des naturalistes les plus avertis. Pour les inventorier, il faut tendre un drap blanc dans la nuit, l’éclairer d’une lampe et capturer tous les papillons qui viennent s’accrocher au tissu. Il s’agit ensuite de les reconnaître en consultant des ouvrages de détermination à la lampe frontale. Les individus sont ensuite relâchés un peu plus loin pour éviter de les capturer à nouveau.

Il y a de toutes petites espèces telles que les mites ou les tordeuses, mais on trouve aussi des bombyx du chêne ou des sphinx beaucoup plus imposants. Les chenilles de ces grosses espèces sont parfois plus spectaculaires et plus faciles à déterminer que les adultes. C’est le cas de la grande queue-fourchue ou des différentes espèces de sphinx dont les ornementations font passer les chenilles pour d’autres créatures, ce qui impressionne les prédateurs qui passent leur chemin.

Ce mimétisme batésien se retrouve chez les adultes, comme le petit paon de nuit et ses ailes qui semblent vouloir imiter le visage d’un hibou aux gros yeux. Cette espèce de papillon de nuit est la plus grande de Bretagne avec son envergure qui peut atteindre la dizaine de centimètres chez la femelle. Le mâle vole de jour et peut repérer sa partenaire à plus de 2 kilomètres grâce aux phéromones qu’elle émet. En revanche, la femelle vole de nuit et dépose ses œufs fécondés sur les plantes-hôtes comme les bruyères, les aubépines ou les prunelliers. Les chenilles sont charnues et leur coloration verte les dissimule aux yeux des prédateurs.

Les papillons de nuit figurent au menu des insectivores nocturnes avec les hannetons, les moustiques, les éphémères ou les plécoptères. Ces insectes qui volent sous la voûte des arbres, autour des sources de lumière ou au-dessus des cours d’eau nourrissent des oiseaux comme l’engoulevent d’Europe ou des chauves-souris.

Certaines espèces d’hétérocères ont développé des mécanismes de protection en se laissant tomber comme une pierre quand elles perçoivent l’approche d’une chauve-souris. D’autres espèces brouillent les ultrasons des prédateurs ailés pour les désorienter et s’enfuir sans demander leur reste. Ce monde reste encore nimbé de mystères tant les spécialistes sont rares mais la connaissance se démocratise grâce à l’intelligence artificielle qui aide à la détermination des espèces.

Les papillons de jour ou rhopalocères sont beaucoup moins nombreux mais sont mieux connus. Quatre-vingt-six espèces vivent en Bretagne et font l’objet d’un Atlas des papillons diurnes de Bretagne publié par Bretagne Vivante, le Groupe d’étude des invertébrés armoricains (Gretia), Mayenne Nature Environnement et VivArmor Nature. Ce sont 1 133 naturalistes qui ont contribué de près ou de loin à cet ouvrage en communiquant leurs observations. L’atlas propose 86 monographies d’espèces articulées autour de leur distribution, de leur histoire en Bretagne, d’une actualisation de leur répartition régionale, des perspectives pour chacune d’entre elles mais aussi d’une carte de répartition et de photos du papillon décrit.

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Vulcain (DR : Manu Holder).

Paon du jour (DR : Manu Holder).

Zygènes du trèfle (DR : Manu Holder).

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