La péninsule bretonne, terre de culture des champignons ? En trente ans, une multitude de fermes sont nées aux quatre coins de la région. Pleurotes, shiitakés et champignons de Paris n’ont plus de secret pour de nombreux producteurs.
La ferme de Keroulaouen, à Plougoulm, est plutôt calme. Au fond de la cour, un grand bâtiment se dresse et domine la petite exploitation. La porte est ouverte, laissant entrer le peu de lumière qu’offre cette journée. Alexandre Riou s’attèle dans un petit hangar agricole dans lequel ont été aménagées sept salles de culture toutes neuves aux allures de chambres noires. C’est ici, chez Ty Champi, que se cultivent les champignons bio. Champignon qui est “est proche de celui de Paris. Il a ce goût de noisette et contient moins d’eau, ce qui le rend plus savoureux. Il est surtout pauvre en lipides et en glucides, très riche en eau, et donc faiblement calorique. Il apporte beaucoup plus de protéines que la moyenne des légumes. On y trouve du cuivre et tout un tas de vitamines. C’est en quelque sorte l’ingrédient parfait”, sourit le jeune Finistérien.
Comme de nombreux producteurs bretons, le Plougoulmois connaît bien son sujet. Depuis plus d’une dizaine d’années, les champignonnières poussent à grande vitesse dans la région. Des fermes sont nées à Bannalec, Hanvec, Ploudiry, La Harmoye, Plumergat ou encore à Argol. La culture est quotidienne, complexe, bourrée de paramètres précis, et demande un vrai savoir-faire.
“Ce n’est pas toujours comme on veut”
Alexandre Riou a suivi la piste familiale dans le Léon. “Mon oncle a été l’un des premiers à se lancer dans les années 1990. Mes parents ont ensuite pris la relève, avec une production plutôt tournée vers le légume et la vache laitière. Avant de prendre le relais, j’ai lu un tas de bouquins sur les champignons et je suis allé à la rencontre de spécialistes.” Depuis son retour sur les terres natales, l’exploitant y met toute son énergie. En plus du blond parisien, le champignonniste produit également du shiitake, une espèce asiatique très en vogue, ainsi que des pleurotes. La bonne recette pour cultiver le champignon à une certaine échelle peut se révéler plutôt ardue. Le champignon d’Alexandre Riou est un saprophyte, c’est-à-dire qu’il se nourrit de matière organique déjà décomposée. C’est pourquoi les champignonnistes ont besoin de blocs de substrat où se développe le mycélium, l’appareil végétatif des champignons. “Il s’agit de ses racines, que l’on appelle aussi le blanc, schématise le producteur. Il s’agit d’un compost à base de fumier de cheval, de paille de blé et de fiente de volaille compostée pendant plusieurs semaines pour dégrader la matière. Je me fais livrer le substrat déjà ensemencé.”
Les blocs de compost sont ensuite placés dans des salles d’incubation, à une température élevée. L’humidité est très contrôlée. Il suffit de quelques jours pour apercevoir les premières têtes de champignons sortir. “Travailler sans cesse avec quelque chose de vivant est difficile. On a beau faire des plans, ce n’est pas toujours comme on veut.” Les récoltes sont récurrentes. On les appelle des volées. “Elles sont aléatoires. Vous pouvez avoir de très bonnes premières comme de très mauvaises dernières.” Tout se fait à la main, sur plusieurs semaines. “On attend que les champignons mangent le pain, on récolte, puis les blocs sont retirés et utilisés pour faire du compost. Ils peuvent être étalés sur les champs. C’est une culture écologique.”
Le Finistérien, indépendant de toute coopérative, vend sa production hebdomadaire d’environ 500 kg à des marchands, à quelques grossistes, et à des restaurateurs. “Je fais aussi de la vente directe. C’est crevant, car vous êtes au four et au moulin. Il faut à la fois produire, conditionner, vendre et aller livrer”, témoigne Alexandre. Cette démarche de produits frais, bio de a à z, fait le bonheur du réseau Biocoop et de ses neuf magasins dans le Finistère Nord qui bénéficient d’un prix d’achat similaire à celui des centrales, mais surtout d’un champignon de Paris frais et livré par celui qui le cultive. “Ça prend du temps, mais je suis valorisé sur l’étiquette. C’est aussi un plus pour la traçabilité. Ça fait du bien de pouvoir produire ici, quand on sait que la majorité des champignons consommés en France, et surtout le parisien, proviennent de Pologne, des Pays-Bas ou encore de Chine”, réagit le jeune champignonniste. (…)