Du 19 au 26 mars prochains, Lorient et quelques communes voisines morbihannaises accueillent la quinzième édition du festival Pêcheurs du monde. Un festival né un beau jour de 2008 dont l’objectif premier est de donner à voir un monde plutôt méconnu, décrié parfois. Dès son origine, la dimension internationale s’est affirmée par la voix du collectif Pêche et Développement, dont le but est de promouvoir un développement durable et solidaire du secteur de la pêche artisanale et de l’aquaculture, et à l’origine du festival, avec le soutien de la fao (Food and Agriculture Organization), une agence de l’onu qui travaille à la sécurité alimentaire. Si le cinéma tient une place essentielle dans le festival, avec la présentation de films inédits, les rencontres sont tout aussi importantes, notamment autour de la venue de Pêcheurs du monde entier, grâce à la FAO.
En 2008, année de lancement du festival, Alain Le Sann préside le collectif Pêche et Développement, créé en 1996 pour promouvoir un développement durable et solidaire de la pêche et de l’aquaculture partout dans le monde. Le festival sera une étape supplémentaire pour faire connaître un métier finalement peu reconnu, voire méconnu. Le rendez-vous de Pêcheurs du monde marque en quelque sorte l’aboutissement d’un dialogue entamé au milieu des années 1980 entre les pêcheurs bretons et les pêcheurs sénégalais. Ce dialogue s’est rapidement transformé en un partenariat qui a conduit à la naissance du Collectif d’appui au Comité national des pêcheurs sénégalais (cnps). Il s’agissait alors de favoriser les actions entreprises par le cnps sur le plan local, national, européen et mondial, mais aussi de mettre en valeur le travail des femmes dans le secteur de la commercialisation et de la transformation du poisson. Après quelques années, face à l’évolution mondiale du secteur maritime et à l’internationalisation du secteur de la pêche, le Collectif d’appui au cnps ressent le besoin d’élargir son champ d’action à l’ensemble des pêcheurs artisans de la planète. Naît alors le collectif Pêche et Développement, dont le siège social est à Lorient. Et le festival Pêcheurs du monde va contribuer à mettre des images sur ce dialogue entamé entre pêcheurs de différents pays. Si la première édition a été mise en place par le collectif Pêche et Développement, comme le rappelait Alain Le Sann, à l’occasion du dixième anniversaire en 2018, “l’association organisatrice est devenue indépendante dès 2009”. Il indiquait par la même occasion ce qui avait motivé cette création : “Nous voulions répondre au déferlement de films catastrophe sur la pêche sans que les premiers intéressés puissent être entendus […]. Il s’agissait pour nous, sans nier les graves problèmes des ressources, de recentrer le débat et les images sur la dimension humaine de la pêche, dernière activité humaine totalement dépendante du milieu naturel et de sa productivité.” Or, expliquait-il, “dans bien des pays, l’avenir de la pêche dépend d’abord de la capacité à disposer de pêcheurs et pas seulement des ressources”. D’où “le recours de plus en plus répandu à des pêcheurs migrants, souvent surexploités”. Le festival doit donc, selon ses organisateurs, contribuer à informer et à valoriser le métier afin de “maintenir l’attractivité de la pêche auprès des jeunes souvent coupés du rapport avec les réalités du monde marin”.
Bien conscients de l’enjeu, les pêcheurs portent dès son lancement le projet du festival, avec en particulier le comité des pêches de Lorient, le poète et pêcheur Alain Jégou, deux femmes de pêcheur, Yolande Allanic, actuelle vice-présidente de l’association, et Liliane Cariou. Et à leurs côtés, on retrouve aussi Emmanuel Audrain, documentariste lorientais, dont les films gravitent autour de l’univers de la mer. “Le cinéma est un support accessible à tous les publics”, précise très justement Jacques Chérel, qui a succédé à Alain Le Sann à la présidence du festival depuis six ans. “Le pêcheur est très présent, très tôt, dans l’univers cinématographique.” Souvenons-nous en particulier de Nanouk L’Esquimau… “Le cinéma participe largement à cette part de fascination qu’exerce la mer sur la plupart d’entre nous”, rajoute Jacques Chérel qui se plaît à rapporter le propos des pêcheurs : “La mer est belle ; c’est un être qui peut à la fois nous fasciner et nous terroriser.” Au-delà de l’image de la mer, le festival a aussi l’ambition de donner à voir une image du monde à travers le regard de pêcheurs : “Nous montrons le vie d’hommes et de femmes de différents pays, mais au-delà, nous avons là une vision géopolitique du monde à l’heure actuelle.” (…)