Le néon blafard jette une lumière crue sur des affiches éparses : une équipe cycliste professionnelle, une playmate, les championnats du monde de cyclo-cross de 1982… “Actuellement, ce local sert surtout à l’apéro”, sourit Patrick Le Her, en désignant le club-house de l’amicale cycliste de Lanarvily où je suis reçu par le triumvirat qui préside aux destinées du cyclo-cross de Lanarvily. Le président du comité des fêtes, un solide gaillard au regard franc et clair, est entouré de ses deux vice-présidents, Jean-François Simon et Emmanuel Pause.
Au cœur de cet hiver morose rythmé par les annonces liées à la pandémie, ici à Lanarvily, ça respire la sérénité. Située à une demi-heure de Brest et 10 minutes de Lesneven, cette commune rurale du Bas-Léon, qui compte 450 habitants, échappe au sentiment de relégation que connaissent les communes trop éloignées des métropoles. Le taux de chômage est minime pour ce bourg à l’intersection de plusieurs bassins d’emploi. “Beaucoup de gens travaillent chez Even à Ploudaniel ou à Brest”, constate Jean-François Simon.
Le circuit du Mingant à Lanarvily est un monument du cyclisme breton, un lieu mythique du cyclo-cross national, un classique dans l’Europe du cyclo-cross ! Le cyclo-cross est cette discipline qui sent un peu le monde d’avant : les dimanches après-midi d’hiver pluvieux, en sépia sur le poste de papa ; un sous-bois, de la boue (mais pas trop si possible), des marches et une odeur de merguez entêtante. Une épreuve de cyclo-cross est l’histoire d’un homme-président, souvent ancien coureur, qui donne naissance à une course. À Lanarvily, il s’agit de Jean Le Hir, le bien nommé vicomte du Mingant dont la presse régionale a maintes fois relaté l’épopée.
Mais un cyclo-cross tient aussi à la qualité de son tracé et des terres qui l’accueillent. Heureux hasard, Jean, éleveur et entrepreneur en produits agricoles, disposait de pâtures. Nous sommes en 1958, à l’occasion d’une kermesse, Jean Le Hir lance sur les fonts baptismaux son épreuve. Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, il inscrit son nom au palmarès du premier cyclo-cross de Lanarvily, lui qui ne pouvait que s’épanouir l’hiver : “Jean ne pouvait pas courir sur route, l’été étant la période la plus importante pour les travaux agricoles.”
Sept ans plus tard, en 1965, Lanarvily accueille les championnats de Bretagne. En 1973, l’épreuve voit l’élite nationale fouler les prés de Jean Le Hir. En 1982, récompense d’un travail acharné, Lanarvily accueille les championnats du monde. Le gratin du cyclisme mondial se presse dans la boue du Bas-Léon. Près de 25 000 spectateurs envahissent la petite commune. Le circuit du Mingant s’est définitivement fait un nom dans le paysage du cyclisme international. Le succès ne se dément pas : Lanarvily accueillera cinq championnats de France et la finale de la Coupe du monde en 2005 ! (…)