Moulin de Rossulien, photo Bernard Galéron

En matière de restauration du patrimoine bâti, les exemples demeurent rares d’un investissement privé très conséquent pour la réhabilitation d’un lieu. Le cas du moulin de Rossulien, à Plomelin dans le Finistère, est à ce titre exemplaire. Si des premiers travaux élémentaires, pour préserver la bâtisse, ont été réalisés par le conseil départemental du Finistère dans les années 1990, c’est bien l’entreprise Krampouz, à l’initiative du projet, qui a pris en charge la restauration et la mise en fonctionnement du moulin, en 2018, dans le cadre du mécénat. L’idée était de retrouver tous les savoir-faire liés à la bonne marche du moulin à eau et de relancer la production de farine. Enthousiasmés par cette démarche, les pouvoirs publics, département et commune, ont eu dès lors à cœur d’embellir le lieu et de concevoir une médiation culturelle à travers un parcours pédagogique.

La rivière de l’Odet, soumise aux flux des marées, invite à une balade nautique où l’on se laisse porter au fil de l’eau. C’est un rendez-vous avec le silence et la majesté du lieu, où, au détour des vire-courts, manoirs et châteaux se dévoilent. On en compte une quinzaine, qui contribuent à faire de cette rivière une des plus belles de France. Ses berges, espaces de détente, de promenade et de calme, révèlent aussi un petit patrimoine moins connu qui porte la mémoire du lieu, de ses habitants et de leurs savoir-faire. Ainsi, sur la commune de Plomelin, on trouve le moulin à eau de Rossulien. Sa construction remonterait au XVIIIe siècle puisque la construction figure sur la carte géométrique de la France, dite “de Cassini” dressée entre 1750 et 1815. On la retrouve aussi sur le plan du cadastre de 1834 réalisé par le géomètre Deniel qui y dessine le cheminement de l’eau dans le bief autour du moulin. En effet, la rivière de Rossulien se gonfle des ruisseaux des alentours qui descendent vers l’Odet. En amont du moulin, une vanne, que l’on ouvre ou entrouvre, permet de réguler le débit de l’eau dans le bief, de façon à faire tourner la roue du moulin. Celle-ci, traversée par un “arbre”, une sorte d’essieu, passe à travers le mur et entraîne, à l’intérieur du moulin, un mécanisme qui actionne la meule. Les grains de blé sont ainsi moulus et séparés de leur écorce, avant d’être passés dans un tamis, pour récolter la farine. Le moulin de Rossulien est resté en activité jusqu’au début du XIXe siècle. D’après les recensements conservés aux archives départementales du Finistère, sept familles s’y sont succédé entre 1841 et 1936, certaines reprenant le moulin de père en fils/fille ou gendre. Si l’activité de minoterie ne perdure que jusqu’en 1911, le moulin reste habité jusqu’à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. La dernière famille recensée est composée de Pierre-Marie Mallegol et de sa femme Corentine, née Jacq, et de leurs dix enfants, tous nés au moulin !  

Envahi par les ronces pendant de nombreuses années, il est acquis par le conseil départemental du Finistère en 1985, dans le cadre de l’aménagement des rives de l’Odet. Ses abords sont défrichés et entretenus, valorisant ainsi la bâtisse. Situé près de la cale de Rossulien, en contrebas du château de Kerambleiz, le moulin est entouré de bois et l’on peut découvrir aussi les ruines d’un deuxième moulin, plus modeste, plus près de l’Odet. La proximité de la rivière est un atout pour le développement de l’activité meunière, le transport des céréales et de la farine pouvant se faire par voie d’eau. En 1992, des premiers travaux de sécurisation et de protection du moulin sont menés par le conseil départemental, suivis, en 1997, d’une deuxième tranche de confortement. Mais la restauration complète n’est pas programmée par les services du département. Il est vrai qu’il existe des milliers de moulins à eau en Bretagne. On en compterait près de 5 000 d’après les recherches de Maurice Chassain, spécialiste de la question en Bretagne.

Cette restauration, un homme ne cesse d’y penser. Pratiquant la course à pied, Serge Kergoat, le patron de Krampouz, vient s’entraîner régulièrement près du moulin. C’est aussi dans ce lieu qu’il se rend pour réfléchir et se ressourcer lorsqu’il a d’importantes décisions professionnelles à prendre. À force de cogiter, lui vient l’idée de lancer la restauration de ce moulin comme un soutien au patrimoine bâti breton mais aussi à l’activité de minoterie artisanale puisque l’entreprise qu’il dirige, fabricant de crêpières depuis 1949, porte haut et fort l’identité culturelle bretonne et les valeurs d’attachement au territoire. (…)

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