Le 30 septembre dernier, Jean-Luc Maillard a mis fin à sa carrière professionnelle. Depuis 1986, il travaillait à l’Écomusée de la Bintinais, à Rennes : recruté d’abord comme conservateur contractuel pour bâtir le programme de l’établissement, il en deviendra le directeur/conservateur en 2003. Au moment de prendre sa retraite, c’est avec la fierté d’avoir mené à bien sa mission qu’il abandonne ce lieu familier qu’était devenue cette ancienne ferme-manoir, aujourd’hui mémoire vivante du pays de Rennes. Ce site patrimonial, unique en France, a en effet vocation à retracer l’histoire d’un territoire, de montrer combien les exploitations agricoles, et celle de la Bintinais en particulier, étaient essentielles à la ville de Rennes : pendant plus de quatre siècles, cette grande ferme a en effet nourri la cité. Elle a été aussi à l’avant-garde du développement agricole en Bretagne.
Soucieux de conserver la mémoire du lieu mais aussi d’en faire un espace bien vivant, Jean-Luc Maillard s’est très vite intéressé à la biodiversité, à une époque, au début des années 1990, où le mot était encore peu courant. Cette biodiversité, on la retrouve dans les 19 hectares de terres autour de l’ancienne ferme : verger conservatoire, engrais vert, potager… L’écomusée s’est attaché également à mettre en avant la biodiversité domestique bretonne avec 19 races en conservation, dont le mouton d’Ouessant, la chèvre des fossés, la vache pie noir ou encore la poule Coucou de Rennes, portée disparue à la fin des années 1980. Si celle-ci se retrouve de nouveau sur les étals des marchés, Jean-Luc Maillard y est pour beaucoup : c’est grâce à une annonce dans Ouest-France qu’il a fini par retrouver trace de cette poule, dans les environs d’Angers, auprès d’un ancien maraîcher rennais. Huit poules ont ainsi pu intégrer l’écomusée et perpétuer une race qui était appelée à disparaître définitivement. Jean-Luc Maillard le sait mieux que quiconque : “En matière de biodiversité, ce qui est perdu un jour est perdu à jamais.”
C’est avec un regard très critique et en même temps très lucide qu’il observe, depuis plus de trois décennies, l’évolution du monde agricole, et au-delà de la vie dans les campagnes. “Je m’interroge depuis très longtemps sur l’avenir du monde rural, sur une forme de vie rurale, avec, il ne faut pas se le cacher, une certaine nostalgie. Mais je me rends bien compte que cette nostalgie, il faut la dépasser, car ce n’est pas comme cela qu’on avance.” Une réflexion qui l’a conduit à intégrer la commission prospective du ceser (Conseil économique, social et environnemental régional) de la Région Bretagne en mars 2021. Il y est en tant que personne qualifiée extérieure. C’est sans doute pour lui une manière de poursuivre le travail mené à l’écomusée, notamment pour la préservation de la biodiversité. (…)