Ahez, des chanteuses du 21e siècle

Elles s’appellent Sterenn Diridollou, Marine Lavigne et Sterenn Le Guillou : à 27, 26 et 25 ans, elles ont déjà derrière elles l’Eurovision, le chant de la Redadeg, des centaines de festoù-noz, de stages et de spectacles de toutes sortes, en Bretagne, en Italie, en Écosse… L’avenir de la tradition, ce sont elles qui le dessinent.

Apprendre à chanter en famille et à l’école

Pour Sterenn D., c’est une affaire de famille. Toute petite, elle faisait déjà les finales du Kan ar Bobl, toute seule sur scène pour une mélodie ou avec ses copains. À Pontivy, dans la grande salle juste à côté, se produisaient six filles du collège Diwan de Quimper, qui avaient déjà chanté sur la même scène en primaire avec Loïc Jadé ou Gwenole Larvol. Une longue liste d’instituteurs et de professeur.e.s les ont encouragées sur leur chemin, leur ont permis d’avancer, de trouver des occasions de chanter. Et au lycée Diwan de Carhaix, la Sterenn trégorroise rejoint le trio. Elles chantent aux manifs, aux fest-noz, sont formées par Rozenn Talec, échangent avec de nombreux chanteurs et musiciens.

« Jusqu’à la victoire », une salsa qui a encouragé des milliers de coureurs

Il faut aussi mentionner ici le chant de la Course pour la langue bretonne 2018, devenu l’un des plus célèbres. Grâce à Gwenole Larvol, les chanteuses (Marine Lavigne, Sterenn Le Guillou et Aude Moalic) ont été soutenues par le musicien Brendan de Roeck. Ils ont gagné ensemble la sélection, et Marine, à 19 ans, devient autrice. Entendre ces jeunes filles sur scène et tout au long de la course était émouvant. Leurs paroles correspondaient à l’état d’esprit des coureurs, à celui de la langue bretonne :

« les vieux et les jeunes se répondront en chantant (…)

et quand tu seras fatigué de tout ça

que tu auras perdu ton énergie, perdu tout espoir

alors mets ton accent sur le pavé

avec tes parents et tes amis qui courent…

jusqu’à la victoire »

Le groupe Eben

En 2018, le trio de kan ha diskan, »An Teir », se voit proposer par le festival de Lorient le projet « New Leurenn ». Elles font alors la connaissance de Jonathan Dour (parrain du projet et joueur de violon alto), de Julien Stévenin (contrebasse) et d’Antoine Lahay (joueur de guitare électrique et de guitare 12 cordes). Un an plus tard sort leur premier disque. En 2020, ils sont invités à « Celtic Connections » à Glasgow. Un travail fructueux avec le groupe Sian and the Duncan Chisholm Trio. Sterenn Diridollou rejoint alors le groupe pour remplacer Enora. Chanteuse connue du Pays Plinn, elle était autrefois lycéenne à Diwan Carhaix. En mai 2023, leur nouveau projet « Dinaskañ » est né. Une forme plus tournée vers la musique à écouter, des paroles réécrites ou nouvellement imaginées. La tradition est belle mais trop souvent les paroles en étaient composées par des hommes dans une société qui aimait chanter des histoires de femmes maltraitées… Avec Eben, il est question de femmes, bien sûr, mais aussi de réfugiés, de langues minoritaires, de l’avenir de la planète. Marthe Vassallo est venue les aider pour cette création, pour le chant et aussi pour la scénographie.

L’Eurovision, une aventure extraordinaire ?

Le groupe Alvan et Ahez est né suite à la rencontre d’Alexis Morvan et de Marine Lavigne dans un bar à Rennes. Déjà présent dans le monde de la musique électronique rennaise, Alexis cherchait des voix bretonnes pour un son “de chez lui”. Le trio féminin habitué des scènes de fest-noz tombait à point nommé. Tous quatre ont alors créé la chanson “Fulenn”, Alvan à la composition et Marine à l’écriture des paroles : un texte féministe, en langue bretonne. Très rapidement, le manager d’Alvan les encourage à envoyer une démo à Eurovision France. Banco ! Après avoir remporté la sélection française, ils se sont envolés pour Turin où ils ont passé onze jours, enchaînant interviews, répétitions et concerts. Ils ont à cette occasion porté des tenues confectionnées par le brodeur quimpérois Pascal Jaouen. Bien que n’ayant pas fait l’unanimité lors du Grand Final, elles ont accompli leur mission ; porter la langue bretonne sur une immense scène européenne, et ce devant 168 millions de téléspectateurs. Mais, ajoutent-elles à l’unisson, « nous étions très heureuses de pouvoir retrouver nos familles, nos amis et surtout les scènes de fest-noz et les danseurs ! « 

Chanter, lutter, donner de l’énergie à tous

Devant des milliers de danseurs à Yaouank, au fest-noz du nouvel an à Saint-Thégonnec cette année, ou dans un petit fest-noz à Bourbriac, elles mettent le feu et donnent des fourmis à tous les danseurs. Avec leur grand sourire, elles transmettent une énergie incroyable au public. Leur tube ? Le pachpi appris quand elles étaient en cinquième avec Louise Ebrel !

Pour mieux les connaître :

DINASKAÑ (EBEN) : https://www.youtube.com/watch?v=UgcIBYp0ghs

La finale de l’Eurovision : https://youtu.be/H1lcGXwOqJI

Le fest-noz Yaouank à Rennes en 2022 : https://youtu.be/j_7AsE5o1a4

Seim (gavotte) : https://youtu.be/t9CxR71aCuM

Leur dernière création en ligne : https://youtu.be/7dYqwRdnpxA

Concert du FIL retransmis par France 3, Bali Breizh 2018 (46 000 vues)

Le chant de la Course pour la langue bretonne 2018 : https://youtu.be/sntksUsEdf

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