Niché au bord de la départementale entre Pont-Aven et Trégunc, le restaurant La Taupinière est l’une des tables recherchées de ce territoire du Finistère Sud. Et cette réputation, il la doit à celui qui a passé plus de cinquante ans derrière les fourneaux. Totalement autodidacte, Guy Guilloux s’est en effet pris de passion pour la cuisine au sortir de l’adolescence. D’un restaurant de spécialités régionales, il a fait de La Taupinère une référence, jusqu’à être distingué au Guide Michelin.
Rien ne prédestinait le petit garçon né à Ploërdut, dans le Morbihan, à entrer dans la restauration. Son père est maçon, sa mère au foyer. Et ses études le mènent vers le dessin industriel. Rien sauf un concours de circonstances : “J’avais 19 ans et un jour, un copain est venu me demander si ça ne m’intéressait pas d’aller faire la plonge et les peluches dans un restaurant pendant l’été.” C’est ainsi qu’en juillet 1969, il débarque dans les cuisines du restaurant La Taupinière, à Pont-Aven. À l’époque, l’établissement a la réputation d’être une bonne table locale où on peut notamment déguster des langoustines grillées au feu de bois. Les premiers jours passés dans la cuisine, “ça m’a tellement emballé qu’au bout de quinze jours, je me suis retrouvé derrière les fourneaux ”, sourit celui qui n’imaginait certainement pas à ce moment-là devenir le maître des lieux quelques années plus tard. Ces lieux où il va trouver aussi son âme sœur : Pierrette gère la salle et assez rapidement, “ça a matché entre nous !”.
Pour autant, passé ce premier été, Guy reprend ses études même s’il n’y trouvait “plus beaucoup d’intérêt à l’époque”. Il a un tout autre avis aujourd’hui : “Je pense vraiment que cette formation technique, même cela n’avait rien à voir directement avec la cuisine, m’a été très utile, en particulier pour développer un sens très aigu de l’organisation, indispensable dans mon métier.”
L’été, et ce pendant trois saisons, le jeune homme s’exerce petit à petit : “Des choses toutes simples au départ” mais pour lesquelles il s’applique : “Ça me prenait tellement la tête que j’en faisais des crises de somnambulisme !”
Dès lors, comment imaginer une autre voie professionnelle que celle de la cuisine, d’autant qu’avec Pierrette, “nous avions une très forte envie de travailler ensemble”. Aussi, lorsqu’au milieu des années 1970 des soucis financiers poussent les propriétaires de La Taupinière à mettre en vente l’établissement, le couple se positionne, avec pour seul atout une conviction inébranlable dans leur projet : “Nous n’avions pas un centime ; nous avons même été obligés d’emprunter pour payer le notaire !” L’entreprise est risquée : “Je n’avais pas de diplôme de restaurateur et donc pas de prêt bonifié. Nous avons contracté notre emprunt à un taux autour de 15 %.” Guy ne cache pas qu’ils ont sans doute fait preuve à l’époque d’une certaine inconscience. “Mais vous savez, si vous calculez trop, vous n’y allez jamais.”
En 1976, La Taupinière change donc de main et Guy endosse la responsabilité de la cuisine, sans aucune formation professionnelle : “J’’ai appris sur le tas, dans les livres, et j’ai fait confiance à mon instinct.” Si le restaurant conserve ses spécialités de grillades, avec en particulier les fameuses langoustines grillées, “nous avons décidé avec Pierrette de privilégier le poisson : il offre à mes yeux un formidable terrain de jeu pour un cuisinier car il présente nombre de possibilités différentes de le travailler”. La criée est à quelques kilomètres, à Concarneau, le poisson abondant, que ce soit le bar, le turbo, le saint-pierre. Confirmant la facilité à se procurer ce poisson, à un coût très raisonnable, Guy rapporte qu’à l’époque, “nous faisions des terrines de poisson en utilisant, pour la farce, du saint-pierre comme base”.
(…) La suite dans le numéro 255 d’ArMen !