Elles frappent l’œil du promeneur, enflamment l’imaginaire collectif et interrogent toujours les scientifiques. Les mégalithes n’ont pas fini de faire planer leur ombre mystérieuse sur les certitudes contemporaines. Les premières architectures monumentales d’Europe sont apparues dans l’Ouest de la France. En Pays bigouden, où l’on note une importante concentration de mégalithes, chaque pierre illustre une facette de ce vaste sujet où la science côtoie le sacré.
Dans un monde soumis à toutes les révolutions, la présence stoïque de ces pierres qui traversent les âges fascine. Fragments d’un ancien monde ayant échappé à la sentence du temps, elles jalonnent les campagnes, comme autant de signes nous rappelant les balbutiements de notre Humanité. Avant de se perdre en conjectures sur la raison d’être des mégalithes, constatons juste l’effet qu’elles produisent sur nous et sur le paysage. Elles dénotent, interpellent. Qui étaient ces hommes semeurs de pierres ? Et à quoi pouvait bien ressembler leur monde ?
Pour y répondre, une soustraction s’impose. 9 600 ans avant notre ère, la période glaciaire touche à sa fin. C’est le début du mésolithique. Il y a longtemps que Néandertal s’est éteint, cédant la place à Homo sapiens. Nos ancêtres, chasseurs-cueilleurs, sont nomades et côtoient les rhinocéros laineux, les ours, les hyènes, les aurochs et les bœufs musqués. Pour la première fois depuis les débuts de l’histoire de l’Humanité, les défunts sont enterrés avec parures et apparats. La conscience de la mort est née, ouvrant avec elle les portes du sacré.
Vers un nouveau mode de vie sédentaire
Durant le mésolithique, période transitoire où le climat se réchauffe, les hordes de rennes et les troupeaux de mammouths quittent le Massif armoricain pour laisser place aux cerfs, sangliers, renards, ours et loups. La forêt recouvre les steppes arides. Vers 6 000 avant j.-c., les premiers agriculteurs font leur apparition. Ce sont les protagonistes du néolithique, période qui s’étale sur presque quatre millénaires et qui voit l’érection des mégalithes. “La néolithisation est portée par les migrations de populations et l’expansion démographique des communautés paysannes, mais le mot néolithisation n’est pas seulement un mouvement de population. La néolithisation représente l’ensemble des mutations qui accompagnent l’adoption d’économie de production. Le contrôle et la domestication des ressources ainsi que la sédentarité en sont les principaux aspects. Deux courants principaux de néolithisation ont eu lieu en Europe : le long du littoral méditerranéen et par le nord jusqu’à la façade Atlantique”, détaille Anne Letailleur, archéologue préhistorienne de formation et chargée de développement culturel dans le Haut Pays bigouden.
De là, on peut imaginer toutes sortes de scénarios sur la rencontre de deux univers : chasseurs-cueilleurs et agriculteurs-éleveurs se sont croisés, mais dans quelle atmosphère ? Probablement dans un mélange de tensions sociales et d’acculturation. La trace des chasseurs-cueilleurs mésolithiques se perd vers – 5 300 et vers – 4 800. La Bretagne se voit acquise à ces nouvelles pratiques.