Réputée pour ses paysages, ses plages, ses crêpes ou encore ses langoustines, la Bretagne fait depuis peu parler d’elle pour ses fromages. La fabrication de ces plaisirs lactiques n’est plus l’apanage des berceaux traditionnels de production. En coulisse, des fromageries se créent et des producteurs laitiers se tournent vers la transformation de leur lait.
Hier encore, on ne parlait pas de la Bretagne comme d’une terre de fromages, mais bien d’une terre de lait qui, depuis le début du siècle dernier, a fourni du beurre, de la crème ou encore du fromage blanc aux consommateurs. “Mais depuis dix à quinze ans, nous avons vu apparaître des jeunes et des moins jeunes formés au métier de fromager, qui savent dorénavant transformer autre chose que du beurre”, observe Vincent Philippe, vainqueur du Mondial des fromages 2023 à Tours et ambas-sadeur de la maison Bordier, basée à Noyal-Sur-Vilaine, à quelques encablures de Rennes.
Il faut dire que chez nos parents et grands-parents, le fromage n’est pas toujours en odeur de sainteté. En vieux breton, il n’y a d’ailleurs pas d’équivalent pour le mot “fromage”.
Dans cette région peu avare en précipitations, l’humidité presque constante est une contrainte majeure pour l’affinage. Depuis, la technique a permis de s’affranchir des caves naturelles et de nombreux agriculteurs bretons désireux d’appor-ter une valeur ajoutée à leur production de lait passent désormais par l’étape de la transformation. “Certains vont se former aux quatre coins de la France, mais il n’y a parfois pas besoin d’aller bien loin puisque la Normandie offre aussi des savoir-faire fromagers”, fait remarquer Vincent Philippe. Si la région ne détient aucune aoc en la matière, la donne pourrait bientôt changer puisqu’un cahier des charges pour une appellation “lait de chair bretonne” ou Gwell (le fameux “gros lait” issue de vache Bretonne pie noir) a été échafaudé il y a quelques mois. Son aire de production s’étend de Douarnenez, dans le Finistère, jusqu’au bassin nantais.
À la Ferme de Lintan, à Bréhan, dans le Morbihan, on a souhaité sortir d’une activité laitière tra-ditionnelle pour s’adonner à la fabrication de fromages. Aux commandes, on retrouve Vanessa Ropert et son frère Thomas, qui représentent la quatrième génération d’agriculteurs à exploiter ces terres. Pour eux, l’aventure fromagère a débuté en 2011. 300 000 litres de lait ont été transformés en 2023 pour une production d’environ 30 tonnes. Outre la passion du produit, Vanessa Ropert voulait se rapprocher des consommateurs pour “ne pas uniquement livrer du lait à la laiterie”. Au menu des réjouissances, des fromages à pâte pressée non cuite comme le Bréhannais, une tome de vache affinée entre deux et quatre mois, ou encore le Ty Pavez, un fromage aux algues (lai-tue de mer, nori et dulse) affiné dans les mêmes proportions. Vanessa Ropert affine ses fromages de six semaines à douze mois. Pour séduire tous les palais, la Ferme de Lintan a aussi créé le Ti Guéméné (45 à 60 jours d’affinage), un fromage à l’andouille de Guémené qui a su séduire les plus récalcitrants. (…)