“Le rivage est multiple, précieux, prodigue. Le rivage est mémoire : géologique, historique, littéraire, artistique, humaine enfin”, peut-on lire en préambule de l’Encyclopédie du littoral, parue en 2010 (éditions Actes Sud / Conservatoire du littoral). “Le rivage est un patrimoine commun, qu’il nous appartient collectivement de protéger”, poursuivent encore les auteurs. Morceau par morceau, choisi, nous racontons dans ce numéro certains pans de son histoire. Une histoire faite d’attraction forte et de haute vulnérabilité.

À la villa gallo-romaine de Mané-Véchen en bord de ria d’Étel, exemple rare de l’architecture antique littorale, recelant des trésors, des décors stuqués et peints, un haut-relief d’Ariane et Dionysos, sculpture sans équivalent dans l’ouest de la Gaule…, on accédait vraisemblablement de préférence par la mer. Et si cette villa, s’interrogent les archéologues, n’était autre que le siège d’une association de producteurs locaux exploitant les ressources littorales ? La Bretagne a longtemps vécu de la mer.

Ciels, lumières, nuages, espace ne cessent d’inspirer les artistes à l’image de Sarah Bernhardt éprise de Belle-Île ou de Madeleine Grenier, d’ascendance briochine, bouleversée par les grèves bretonnes. “Un blanc nuancé qui crée la sensation du vent, suggère le profil de la falaise, les vibrations de la mer.” Quelques années plus tard, ce sont les photographies d’un amateur, au début des années 1960, qui narrent la bande côtière ; au sommet de la dune de Plouescat sont plantées les tentes, sont posées les voitures. Les charrettes de goémon vont et viennent, croisent les nouveaux touristes bénéficiant des congés payés, qui, à partir de 1936, popularisent les bains de mer. Le club nautique propose déjà sorties en vaurien, caravelle ou 505. Le littoral s’émancipe. Sans garde-fou. Bientôt les habitations “blanches de craie” s’installeront sur les dunes. Fenêtre sur mer. Les pieds dans l’eau.

“En raison de sa situation péninsulaire sur la façade atlantique de l’Europe, en symbiose avec cet océan qui la baigne, la Bretagne est, qu’elle le veuille ou non, un territoire maritime, affirmait, en 2008, le géographe Yves Lebahy. Beaucoup l’ont actuellement oublié. Pourtant, toute son histoire est conditionnée par la présence de la mer. Or la mer, dernier bien commun de la planète, est désormais un espace convoité et les enjeux qu’elle porte trouvent leur expression à terre, dans un premier temps sur le littoral.”

Les mutations à venir seront brutales. Elles commenceront par la frange côtière. Elles devraient être visibles en une génération. Falaises effondrées ? Recul du bord de mer ? Disparition des pêcheurs professionnels ? Mise sous cloche ? Quel visage adoptera notre littoral en 2025, 2050, 2100 ? La Bretagne sera-t-elle toujours aussi bleue ? “L’image d’un littoral futur que l’on préfère retenir à cet instant est celle d’une Bretagne consciente d’avoir multiplié les agressions contre sa propre chair et désireuse d’inverser les tendances”, conclut à la fin de son enquête prospective le journaliste Christian Campion.

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