LA LANGUE BRETONNE EN TRAVAUX…
Dix ans d’efforts pour développer la langue bretonne en entreprise
Traduction de l’article en breton paru dans le n°236 d’ArMen
Si l’on en croit le petit livre rouge de Mao Zedong, « faire la révolution, c’est comme ramer à contre-courant, dès qu’on s’arrête, on recule ». La voix de la sagesse et de l’expérience… Voici dix ans était créé un groupe de travail consacré au développement de la langue bretonne, animé par une poignée de chefs d’entreprises de Produit en Bretagne. Ce groupe n’est pas resté inactif. Mais dix ans plus tard, qu’est-ce qui a changé ? Le temps d’un premier bilan est venu pour donner un nouvel élan à l’aventure.
Lors de sa création, trois missions ont été assignées au Groupe de Travail Langue Bretonne : expliquer la valeur de la langue bretonne dans le monde de l’économie en développant des outils pédagogiques, inciter les entreprises à donner une place à la langue bretonne dans leur quotidien, enfin, donner le bon exemple en utilisant la langue très régulièrement.
Quels outils pédagogiques ?
L’un des chantiers les plus notoires fut le numéro spécial édité par ArMen sous le titre « Brezhoneg &Business ». Quatre-vingt-deux pages entièrement consacrées au breton dans l’économie. Une véritable boite à outils au service des entreprises qui sont prêtes à faire quelque chose pour la langue pour peu qu’on leur explique comment faire. Ce numéro hors-série a été offert au millier de participants à l’Assemblée générale 2012 de Produit en Bretagne. Les textes bilingues abordent une matière riche et variée, dans une maquette moderne et soignée. C’est un dossier de référence, mais qui n’a pourtant pas touché sa cible. Car les chefs d’entreprise ne sont pas prêts à lire un dossier aussi épais. Aussi, l’essentiel a-t-il ensuite été résumé dans un dépliant limité à quatre pages.
En 2015 était créée l’exposition « Breton et Economie » qui a été montée dans une quinzaine de lieux différents, parmi lesquels les siège du Crédit Mutuel Arkéa et le Conseil Régional de Bretagne. Dans la même veine, mais dans un style plus vivant peut-être, était tourné un film de témoignages « Langue bretonne et entreprise, par Produit en Bretagne », entièrement bilingue. Une dizaine de chefs d’entreprises expliquent pourquoi et comment ils ont donné une place au breton dans leur entreprise[1].
Encourager les entreprises.
Comment inciter les entreprises à se servir du breton ? Le Prix Ambassadeur de la langue bretonne veut montrer ce qu’il est possible de faire. Une façon de conforter ceux qui sont allé de l’avant et de rassurer les autres. Rendre fier et susciter le désir. Car le Prix Ambassadeur est attribué devant un imposant parterre de décideurs bretons. Coreff, Système U Keredern, Le Gall, Kermarreg Immobilier, Le Festival de Cornouaille et Le Festival des Chants de Marins de Paimpol, Kerne élagage, l’Ujap, Le Finistère Assurance… ont été nommés Ambassadeurs de la Langue Bretonne. Cette année, le Prix sera remis en grande pompe dans l’enceinte du Festival de Cornouaille.
Depuis trois ans, pendant le mois de la langue bretonne, en Mars, une promotion est organisée en grande surface, réservée aux produits sur l’emballage desquels la langue bretonne est présente, à des degrés divers. Au lieu d’aller demander l’aumône aux entreprises pour la pauvre langue bretonne, il leur est proposé d’augmenter leurs ventes en valorisant leurs efforts en faveur de la langue bretonne. Une vraie révolution ! Une quarantaine de magasins ont suivi l’opération l’an dernier. Avec un succès modeste, il faut bien le dire. Bien des choses restent à améliorer, mais le changement de perspective n’en demeure pas moins intéressant.
Donner l’exemple.
Nombreuses ont été les actions conduites par Produit en Bretagne sur le terrain de la langue. La plus célèbre est peut-être l’affichage bilingue dans le métro parisien, dès 2008 : « Plijadur penn-da-benn/Du plaisir du début à la fin » et « Breizh da dañva /La Bretagne à savourer ». De quoi alimenter les débats au sein du Conseil d’administration. N’allait-on pas trop loin ! La campagne fut finalement très bien accueillie par les parisiens. C’est bien souvent dans la tête des bretons eux-mêmes que se loge la méfiance et la censure…
Chaque année sont distribués 1,5 millions de prospectus bilingues sur nos cinq départements, à l’occasion de la fête de la Bretagne. Une promotion dans tous les points de vente du territoire, et qui présente chaque produit en français et en breton.
Un film de publicité titré « menam menam » (miamm-miamm en breton) a été tourné en plein centre de Paris. Un acteur professionnel, suivi par une caméra cachée, s’adressait aux passants en breton. Il leur proposait de gouter des spécialités signées Produits en Bretagne et de dire miamm miamm en breton. (Voir internet : Produit en Bretagne. Menam, menam). Un film amusant et efficace, qui a été téléchargé plus de 400 000 fois sur les réseaux sociaux.
Enfin, Produit en Bretagne diffuse régulièrement des annonces monolingues en breton. L’affiche « faites tourner l’économie locale/Lakait ekonomiezh ar vro da dreiñ » a été utilisée en français mais aussi tout en breton dans des revues et dans le centre des grandes villes bretonnes.
Quels progrès ?
Rencontre-t-on aujourd’hui plus de pakagings bilingues ? Entend -t-on plus souvent la langue bretonne sur le répondeur téléphonique des entreprises ? Nous est-il donné à lire davantage de breton sur leurs sites internet ? Des cours d’apprentissage de la langue sont-ils régulièrement proposés aux salariés ? La publicité bilingue est-elle entrée dans les mœurs ? Je n’en suis pas du tout convaincu, même s’il est difficile de mesurer avec précision ce type d’évolutions.
A force de promouvoir le breton et à force d’en faire usage, nous avons toutefois gagné du terrain. Les entreprises sont habituées à entendre parler du breton et ne sont plus surprises que l’on puisse en faire usage en toutes circonstances. Ce n’est certes pas suffisant. Mais si l’Office Public de la Langue Bretonne était en mesure de missionner une personne pour aller à la rencontre des chefs d’entreprises, son action serait promise au succès. Car les dirigeants me semblent prêts à écouter. Un coup de pouce et ils transformeront leur désir en action.
On reproche souvent aux dirigeants de ne pas aider la langue bretonne ; avec raison… Mais quand ils font enfin quelque chose, ils sont suspectés de chercher à gagner de l’argent sur le dos du breton. Si l’argent était en cause, les choses auraient avancé beaucoup plus vite !
Ce n’est pas d’argent qu’il s’agit, mais d’image, de différenciation, de marque employeur, de responsabilité sociale et sociétale. Ces thèmes occupent désormais le devant de la scène, tant les salariés sont difficiles à recruter et à fidéliser. Or les salariés sont partie prenante d’une société qui, dans son ensemble, soutient massivement la langue bretonne. On aurait grand tort de passer à côté de ces vents favorables.
[1] Facile à trouver sur Internet ou sur le site de Produit en Bretagne.