Pierre-Yves Normand sèche le chanvre dans un séchoir artisanal.

Lorsqu’au début des années 2000 Pierre-Yves Normand fait l’acquisition d’une longère du côté de La Torche, il cherche un isolant vertueux et fixe son choix sur le chanvre. Il plante donc deux hectares. Un peu plus tard, il apprend, lors d’un repas de famille, que ses grands-parents et arrière-grands-parents avaient eux aussi en leur temps cultivé du chanvre. Réagissant à ce qu’il nomme une sorte de “mémoire cellulaire”, il décide alors de se consacrer pleinement à cette plante un peu oubliée, allant jusqu’à vendre son affaire d’optique. De cette passion naît une association, Bretagne chanvre développement. Objectif  à terme : développer la culture pour arriver à un millier d’hectares  de chanvre en Bretagne, sur un sol parfaitement adapté : “Un peu d’humidité le matin, une bonne terre et du savoir-faire.” Un fait avéré. Il suffit de regarder un peu en arrière. Dans les années 1850, le chanvre était en effet omniprésent dans l’ouest de l’hexagone avec des dizaines de milliers d’hectares de culture. La plante faisait ainsi vivre nombre d’agriculteurs mais aussi beaucoup d’artisans, tout particulièrement des milliers de tisserands. “Le chanvre était utilisé notamment pour fabriquer des textiles, des cordes et des voiles”, rappelle Pierre-Yves Normand. Et ceci dès le xive siècle à un point tel que bon nombre de voiles équipant les bateaux dans le monde entier étaient fabriquées en Bretagne à partir de chanvre cultivé sur place.

Dans la première moitié du xxe siècle, la concurrence des fibres synthétiques va petit à petit conduire à la disparition progressive de cette culture. En 1961, suite à une campagne de diabolisation menée aux États-Unis, l’onu interdit officiellement la culture du cannabis. Seuls subsisteront quelques hectares dans l’Aube pour la fabrication de papier.

Depuis une vingtaine d’années, Pierre-Yves Normand milite donc en Bretagne pour redonner à cette plante aux multiples vertus ses lettres de noblesse. “Dans le chanvre, tout est bon, assure-t-il. Je n’ai d’autre but que de transmettre le savoir ancestral de la culture du chanvre mais aussi le savoir moderne de valorisation de cette plante dans son entièreté.”  Ses essais en plein champ lui ont permis de vérifier que “la plante grandit vite, d’environ 60 centimètres en trois semaines : elle se développe toute seule en quatre mois, sans traitement, quasiment sans entretien, et elle n’a aucun prédateur”. De plus, “sa racine, pivotante, contribue à décompacter le sol, assurant une meilleure pousse pour les cultures suivantes”. Ainsi, c’est “10 % de rendement en plus pour le blé”. Autre atout non négligeable à notre époque, le chanvre stocke du co2, l’équivalent de 15 tonnes par an pour un hectare de culture, soit autant qu’un hectare de forêt, et participe donc activement à la lutte contre le réchauffement climatique.

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