Quarante ans déjà qu’Añjela Duval, la paysanne de Traoñ an Dour en Vieux-Marché, nous a quittés, nous laissant tous un peu orphelins. De celle qui célébra la terre, son pays, sa langue et la liberté, demeure une riche moisson de poèmes en vers libres, parmi lesquels “Karantez-Vro”. Une œuvre, bien-sûr, uniquement en breton, sa langue du cœur et celle de ses pères. Mais aussi des valeurs, de courage et de résistance. Avec un style et une manière d’être, cette femme de caractère sut ensemencer les chemins du futur. De ceux qui plongent leurs racines profondément dans la tradition.
Lorient. Emvod ar Gelted 2021. Les danseurs se prennent par la main pour enchaîner andro, hanter-dro et kas a-barh. Et là, sur la scène Bretagne, en plein air, un groupe de musiciens ose une œuvre plus intime. Un grand gaillard s’avance, cistre à la main, étonné presque d’être là, au milieu d’une foule qui entend s’amuser après des mois de privations. C’est Ronan Pellen. Il annonce que Lellig, le spectacle qu’il a co-écrit avec la chanteuse Annie Ebrel, devait avoir lieu dans le décor feutré du théâtre. Mais qu’avec toutes ces mesures… Très vite dans la bouche d’Annie, le breton, les vers libres et la poésie de la bardesse trégorroise prennent vie et s’envolent.
“J’aurais pu la connaître, évoque Annie Ebrel. J’ai grandi à Lohuec, ce n’est pas si loin de Vieux-Marché où se trouve Traoñ an Dour, le hameau d’Añjela. Dans le même milieu, une petite ferme où toute la famille avait le breton en héritage. Et j’ai commencé à chanter en 1984.” Sa première rencontre avec la bardesse date d’un concert des Tregeriz(1) à l’église de Logivi-Plougras à l’occasion de la sortie du cd Les Tregeriz chantent Añjela Duval. Difficile pari que de mettre en musique la poésie d’Añjela sans en trahir la substance, le rythme et l’intensité, d’autant qu’elle “écrivait en vers libres”. Le spectacle Lellig(2), avec Annie au chant, Ronan Pellen au cistre, Clément Dallot au clavier et Daravan Souvanna à la basse, a donné lieu à un cd produit par la Coop Breizh : Heol(3), en hommage à sa poésie “Lagad an heol / L’œil du soleil”. “Si Lellig est un clin d’œil à Añjela enfant, Heol a une dimension universelle, celle que nous avons recherchée à travers le spectacle et le choix des poèmes.”
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Un article à retrouver dans le numéro 245 d’ArMen