La Bretagne n’est jamais très loin de Jean Jouzel, qu’il soit confiné dans son appartement parisien ou de retour pour quelques jours dans sa maison à Janzé, en Ille-et-Vilaine. Une armoire bretonne, de la dentelle bigoudène sous cadre, un pull marin rayé ou simplement le rappel de ce titre de “Breton de l’année” obtenu en 2007, qu’il évoque spontanément, presque avec fierté… Comment ne pas sourire à cette évocation, quand on sait que la même année, Jean Jouzel a été co-récipiendaire du prix Nobel de la paix, obtenu par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (giec), dont il fut le vice-président de 2002 à 2015. Cette simplicité n’est pas feinte, au regard du nombre de sollicitations d’interviews, de conférences, de reportages ou de parrainages que reçoit celui qui est désormais l’un des climatologues les plus connus au monde.
À tout juste 74 ans, Jean Jouzel refuse la qualification d’hyperactif. Il préfère dire qu’il est attentif et ouvert à toutes les opportunités, pour sensibiliser les pouvoirs publics ou les populations aux conséquences du réchauffement climatique et à l’urgence de diminuer les émanations des gaz à effet de serre.
Dès son plus jeune âge, les premiers signes de sa précocité ne tardent pas à s’exprimer au sein de sa famille. Agriculteurs installés à Janzé, ses parents exploitent une ferme de 30 hectares restée longtemps sans électricité. Vaches, poules, lapins, porcs, quelques champs de blé… “Une ferme de polyculture comme on n’en voit quasiment plus.” Jean Jouzel se souvient d’une enfance simple mais heureuse, sans pression. Parce qu’il excelle à l’école, mais aussi parce que, deuxième né d’une fratrie de quatre enfants, il sait que ce sera à son frère aîné que reviendra le devoir de reprendre la ferme.
Le destin ne pouvait en être autrement. “Chercheur… c’est ça que je veux être !” : ce cri du cœur, le petit Jean, âgé d’à peine 6 ans, le lance un jour à ses parents en écoutant à la radio un reportage sur l’inauguration par le Général de Gaulle du centre d’études nucléaires du Commissariat à l’énergie atomique (cea) sur le plateau de Saclay. “Je me souviens très bien, physiquement même, de ce moment où j’ai dit ça à mes parents. Je ne savais même pas ce qu’était la recherche. Et je suis chercheur au cea depuis maintenant 52 ans !” (…)