Serge Le Bozec : le breton du pays de Lorient, vivant et bien enraciné
Traduction de l’article en breton du numéro 256
À Guidel, voici Serge qui nous accueille. Une maison neuve, avec un vieux châtaignier immense au fond du jardin, comme un clin d’œil au passé que le professeur d’aujourd’hui connaît bien, en changeant de casquette, un peu partout, pour partager une langue avec le plus grand nombre.
Un océanographe qui devient professeur de breton
Le breton, on le parlait à la maison, mais par les grands-parents seulement qui parlaient un français plein de bretonnismes : « Reste pas dans la lumière, je ne vois rien avec toi » ou « Jamais autant ! ». Ses parents ne parlaient que le français : comme pour tous les enfants à cette époque, le français était la langue qu’il fallait parler. Mais, contrairement aux jeunes de sa génération, Serge, lui, était attiré par la langue bretonne et écoutait, cherchait à comprendre, à apprendre tout seul une langue familiale qui ne lui avait été qu’à moitié transmise. « En CM2, je me sentais breton ». Son pépé avait acheté « Le breton parlé » de Meriadeg Herrieù, il savait bien lire le breton.
Pendant son service civil à « Eau et Rivières de Bretagne », il perfectionne ce qu’il a appris dans des cours du soir avec Maurice Jouanno. Il devient océanographe après cinq années d’études à Brest, puis travaille à Pleubian au « Centre d’Étude et de Valorisation des Algues » (CEVA), pendant huit ans, et dans le même temps il donne des cours de breton, en trégorrois : « Je ne voulais pas enseigner dans une langue standard, mais rester proche de la façon dont parlent les gens ». Il passe son CAPES de breton/histoire-géographie et l’a du premier coup en 1998. Il change alors de métier et devient professeur de breton.
Passionné par tous les bretons (Trégor, Vannetais…), les noms de lieux, de personnes…
Passionné de grammaire, de livres en breton, de linguistique en général, il se retrouve dans des stages de l’association Kafe Bara Amonenn, avec des enseignants comme Albert Bocher, François Louis, Daniel Carré, … où il est à bonne école et où il enseigne aussi par la suite. Il a lu attentivement les diverses études sur les réformes orthographiques, dont celle, pertinente, de Jean-Claude Le Ruyet et Albert Bocher. Serge le Bozec confirme, comme eux, que la musique de la langue est un élément important du breton : la prononciation, l’accent tonique, les liaisons doivent être respectés et réalisés comme il se doit pour aboutir à un breton correct.
La rentrée 2023 est bien occupée pour l’enseignant de breton : un plein temps réparti entre deux collèges et un lycée dans le pays de Lorient, sans compter les heures d’enseignement à l’Université de Bretagne-Sud et les cours du soir pour adultes dans une association à Guidel.
Et l’été : stage KEAV en juillet, la deuxième semaine, enseignant bénévole, et ce depuis 1998, où il s’est spécialisé dans la phonétique du breton. Et au mois d’août, bénévole aussi, au Festival Interceltique de Lorient (FIL) où il présente en breton le trophée Matilin an Dall (concours de couples de sonneurs) et des conférences sur les noms de lieux et de personnes avec les écoles Diwan.
L’avenir du breton : avec les jeunes ? En agissant localement ?
Certains jeunes qui étaient ses élèves ont continué à parler breton dans leur vie professionnelle et c’est un vrai plaisir : Lors Jereg, Mael, formateur à Roudour, Naig et Chloé, professeures de breton…
Mais ce n’est pas si facile qu’avant : « le lien entre les écoliers et leur environnement en breton est plus fragile, leur niveau dans les langues est aussi plus bas, on dit « bienveillance », c’est le mot clé de l’Éducation Nationale, mais bon… »
Par la musique, la création, on peut faire des choses, c’est évident. Comme pour lui, qui a été chanteur dans plusieurs groupes, d’abord avec « Dastumerion ar C’hreisteiz », puis « Ledenez » et « Erenn dous » avec des Trégorrois, ensuite les « Pemp Apostol » et les « Teadoù fall » maintenant.
Mais l’avenir du breton est aussi lié à l’endroit où l’on vit et à la volonté des gens qui y vivent. Par exemple à Guidel, il y a trente ans, des gens du secteur avaient plein d’énergie : certains créèrent une antenne de « Bretagne Vivante » (SEPNB à cette époque), d’autres lancèrent « Div Yezh Gwidel » et les classes publiques bilingues, au nombre de cinq aujourd’hui, et d’autres encore l’association « Ar-un-dro ». Serge Le Bozec est animateur de breton dans cette association qui fait connaître la culture bretonne par des stages et des cours de danses, de breton, de cuisine…
Mais ne rêvons pas et ne nous mentons pas : le breton ne sera pas sauvé en continuant à dire qu’il y a 200 000 locuteurs de breton depuis au moins dix ans, ni en déclarant que 20 000 élèves des classes Diwan et bilingues parlent couramment breton. « Tant d’enfants quittent le système en ne passant pas du CM2 à la sixième, et d’ados en fin de 3e pour aller en seconde, partout en Bretagne ! Il ne reste presque plus personne des centaines d’enfants inscrits en maternelle et primaire, une fois arrivés au lycée. Là il faudrait travailler, se mettre autour de la table pour en parler au lieu de l’éviter. Ce n’est pas en ne regardant pas notre reflet dans le miroir que nous avancerons ».
Les vidéos où Serge apparaît sur le web
rophée Matilin an Dall sur France 3 en 2023, présenté en breton et en français.
Les noms de lieux autour de Lorient, en français, avec Emglev Bro An Oriant : :
Les noms de personnes, conférence donnée au FIL 2022 :