Le concept de lowtech est nouveau venu sur la scène des idées contemporaines. Une école lowtech s’est ouverte à Guingamp : Kerlotec, et un lowtech lab a été créé à Concarneau. Cependant, il ne suffit pas d’opposer hightech et lowtech pour bien comprendre de quoi il retourne, car la lowtech est un état d’esprit avant d’être une affaire de technologie.
Dissipons tout d’abord un malentendu. Les lowtech ne doivent pas être assimilées à un recul, mais à une autre façon d’innover, avec des technologies moins gourmandes, plus porches des besoins, et plus respectueuses de l’environnement. Il n’existe donc pas de solution qui soit parfaitement lowtech, mais chaque solution est plus ou moins lowtech. Le champ d’application est large : les objets, les réseaux, les techniques, les services, l’expérience, les pratiques, les modes de vie, les courants d’idées… peuvent inclure des solutions lowtech. On ne cherchera pas à atteindre la perfection pour une minorité, mais l’optimum pour tous. Il n’est donc pas question de technophobie, mais de techno-discernement. En matière de santé, on peut avoir besoin de technologie de pointe, l’IRM, par exemple, quand on peut se satisfaire de technologies très simples dans d’autres domaines, comme la récupération des eaux de pluie dans des réservoirs… Il serait donc plus sensé de parler de fairtech ou de technologie suffisante car des solutions hybrides peuvent être mises en œuvre selon les cas.
Qu’est-ce alors qu’une solution lowtech ? C’est une solution utile et durable, facile à réaliser, en vue d’une société soutenable et désirable. Cette dernière précision revêt une grande importance : Les lowtechs ne sont ni tristes, ni paresseuses, ni rétrogrades, ni réactionnaires. Il est question de « sobriété heureuse ». En toute logique, les meilleurs terrains de jeu des lowtech sont les petits territoires. Et il serait plus approprié encore de parler des bassins de vie, à l’instar de nos neuf pays bretons : Cornouaille, Trégor, Pays nantais…
Tout changement requiert une situation et un désir. La situation est assez claire : six des neuf limites planétaires ont été dépassées du fait des activités humaines. Cela signifie que nous ne pourrons pas continuer sur cette lancée sans détruire la vie et l’humanité sur terre à court ou moyen terme. Mais le plus important est le désir. Le changement de nos actions s’origine dans le changement de nos désirs. L’évolution des valeurs détermine l’évolution des besoins. « La culture mange la stratégie au petit déjeuner » nous dit Peter Drucker… Et précisément, remettre nos besoins en question constitue la première marche des lowtechs. Selon Thimothée Fustec, dirigeant de Kerlotec, il convient de distinguer, quand on parle de besoins, l’utile, le nécessaire, l’indispensable, et ce qui relève du simple confort… Il est parfois possible de satisfaire un besoin en retranchant plutôt qu’en ajoutant. Et de développer son idée à partir de l’exemple d’une ligne industriel de sandwichs. Grace à une caméra, un robot saisissait et rangeait des pièces de pains qui se présentaient en désordre sur un tapis de convoyage. Mais l’atmosphère était si humide que la caméra tombait souvent en panne, occasionnant autant d’arrêts de la ligne de production. Chaque fois, la caméra était réparée ou remplacée. Ce qui coûtait très cher à l’entreprise. Il fut finalement décidé de se passer de caméra. Le problème fut résolu en amont, en mettant au point un goulot d’étranglement capable d’aligner les morceaux de pain avant qu’ils ne se présentent sous les doigts du robot. Il n’y avait plus besoin de caméra et il n’était plus question de panne…
Mettre en place la solution juste à la place précise où elle doit être placée, voilà un des principes de base des lowtechs. On commence par une analyse pratique des besoins. Avant de semer, on peut retourner la terre avec un tracteur, ou bien avec un cheval de trait, ou encore semer directement sans retourner la terre. Cette dernière méthode n’est ni moyenâgeuse, ni épuisante. Elle coûte moins cher. On économise de l’énergie et on respecte la vie souterraine et la biodiversité. On parle d’agriculture régénérative. La question lowtech était : à quoi bon retourner la terre ? Et la réponse : on peut s’en passer, dans certaines circonstances…
Six conditions doivent être respectées par une solution lowtech satisfaisante selon Timothée Fustec : respecter la légalité, diminuer l’impact sur l’environnement, démontrer un fonctionnement fiable, être bien accueilli par la société, respecter la sécurité des personnes, et last but not least, avoir un prix acceptable.
Un mouvement de défétichisation des technologies est en train de naître un peu partout dans le monde. Mais il ne l’emporte pas encore sur la croyance que les problèmes engendrés par la technologie seront résolus par des technologies encore plus efficaces. A la suite de précurseurs comme Yvan Illich ou Jacques Ellul, de nombreuses voix refusent pourtant d’emprunter cette voie : Philippe Bihouix, Alan et Timothée Fustec, Arthur Keller, Timothée Parrique, Navi Radjou…
Ce dernier a introduit un concept très intéressant : l’innovation Jugaad. Le mot Jugaad vient de l’hindi. Il est utilisé pour désigner des solutions innovantes, élaborées dans une forme d’urgence, nées de l’ingéniosité et l’acuité de l’esprit humain. Il n’est pas étonnant que l’esprit Jugaad soit né en Inde, car l’innovation Jugaad prospère dans des pays où beaucoup de ressources font défaut : l’argent, l’instruction, l’eau, l’énergie, les grandes voies de communications… Il faut bien alors faire mieux avec moins, transformer l’adversité en opportunité, penser et agir avec souplesse, chercher toujours la simplicité, inclure les populations restées en marge, et enfin suivre son cœur.
C’est à partir de ces principes qu’a été inventé en Inde un réfrigérateur en argilequi fonctionne sans électricité. Il n’est pas aussi froid qu’un réfrigérateur électrique, mais il est assez frais pour conserver la nourriture. Il répond au vrai besoin. « La simplicité est la sophistication suprême » proclamait Leonard de Vinci. Les bébés mouraient souvent en Inde quand les mamans accouchaient avant terme, car il n’y a pas de couveuse électrique dans les campagnes. Qu’à cela ne tienne, une sorte de sac-couveuse a été imaginé, bon marché et assez efficace pour sauver les vies de milliers d’enfants. Tant et si bien que l’usage de ces sacs-couveuses commence désormais à se répandre dans les pays riches !
Satisfaire les besoins avec peu de moyens, c’est aussi ce qu’a fait Brezhoweb, la première télévision numérique toute en breton. Une bonne webtélé, permet de répondre aux attentes des brittophones avec des budgets assez modestes… Cela correspond aux habitudes de la majorité des personnes qui ont coutume d’utiliser leurs écrans (ordinateurs, smartphone, tablette…) n’importe où et n’importe quand grâce au replay. Brezhoweb peut donc être considérée comme une solution lowtech, bien qu’elle mobilise des technologies numériques à la pointe du progrès.
Si vous souhaitez introduire les lowtech dans votre vie personnelle, efforcez-vous de suivre les conseils de Béa Johnson et ses cinq R : « Refuse, Reduce, Reuse, Recycle and Rot… » Vous êtes sur le bon chemin !