Maurice Jouanno, surnommé Momo, est surtout connu pour avoir été chanteur au sein des Ramoneurs de Menhirs, jusqu’en 2013. Mais il n’est pas seulement membre de ce groupe de punk rock bretonnant : il est aussi enseignant, comédien, collecteur et fin connaisseur du breton de Port-Louis, de breton vannetais, prêt à traverser la mer pour enseigner la langue à Groix, à une vingtaine d’élèves…
Le breton entendu, le breton appris : une histoire de famille ?
Né à Paris, Momo part à deux mois vivre chez sa grand mère, Madeleine, née en 1910, qui tenait, à Port-Louis, un bar attenant au salon de coiffure de son mari. Les gens qui attendaient buvaient un verre. À cette époque, les pêcheurs côtoyaient les ouvriers de l’arsenal, qui traversaient la rade pour aller travailler à Lorient.
On parle en français au petit Momo qui grandit, va à l’école, au collège, et enfin au lycée Dupuy de Lôme à Lorient. On lui propose là-bas des cours de breton. Alors, un jour, il dit à sa « Meumé » : « Si tu ne me parles qu’en breton, j’aurai des points en plus au bac ». Banco, ils n’ont plus jamais parlé français depuis…
Partir pour apprendre d’autres langues, voir du pays
Instituteur public, il prend une année sabbatique comme premier instituteur de Diwan Lorient, avant de devenir professeur. Mais son parcours comprend de nombreuses pauses, des années de formation, d’enseignement à l’étranger : une année au Pays de Galles, cinq en Irlande. Il enseigne comme instituteur dans dix communes du pays Pourlet, donnant deux cours de breton pour chaque niveau dans dix écoles ! Et à chaque fois, la cantinière a droit à sa question rituelle : « …Et comment on dit ça chez vous ? ». Momo note alors toutes les façons de prononcer de chaque commune.
Professeur à Pontivy, Lanester… Il enseigne le breton et l’anglais en Bretagne, le français au Pays de Galles et en Irlande. Il joue avec les mots, il adore ça. Revenu du Pays de Galles, avec Jean Peeters, l’actuel directeur du FIL, il participe au Festival Interceltique de Lorient en tant qu’interprète, avant de devenir responsable du fest-noz du Palais des Congrès, puis régisseur de la taverne « le Pub ».
Collecter, chanter et composer de nouvelles paroles
C’est un collecteur infatigable qui a tout transmis à Dastum, car ce qui lui plaît, c’est le lien entre hier et aujourd’hui. Redonner ce qu’il a reçu.
Au cours des vingt ans au Pub du FIL, il a appris à bien connaître les groupes de musiciens et de chanteurs bretons et celtiques. Il a fait venir les Sonerien Du le lundi à faire craquer le pub, EV, des groupes écossais, irlandais… Il a commencé à chanter avec Dastumerion ar C’hreisteiz, et est monté sur scène pour remplacer un groupe absent. Au cercle celtique de Port-Louis, où il donne des cours de breton, on vient souvent le voir pour arranger des paroles, enlever les choses difficiles à prononcer, trouver le mot juste : les Korriganed, puis Arvest, Morwenn le Normand, Youn Kamm,… En fait, toute la nouvelle génération de chanteurs.
Au sein des Ramoneurs de menhirs, et même si ce n’est pas écrit clairement sur les pochettes des CD, les nouvelles paroles sont l’œuvre de Momo, seul bretonnant du groupe avec Louise Ebrel qui vient aux concerts quand elle peut se rendre disponible. Quand on demande à Momo ce que ses sept années (2006-2013) avec eux lui ont apportées, il répond : « Peu de choses, huit ans à voyager, j’ai eu du plaisir à échanger en anglais avec plein de monde, il y a eu aussi l’arrivée de la Redadeg à Pontivy… »
Momo, ce qu’il lui faut ? Jouer des pièces de théâtre comme Les fourberies de Scapin en breton (il a joué dans cinq pièces du Strollad C’hoarivari), être avec ses amis chanteurs, apprenants, donner des conseils aux jeunes tout en partageant un verre. C’est aussi simple que ça.
Continuer sa route, enseigner, chanter, rire…
Le rire et l’humour sont pour Momo la meilleure façon d’apprendre une langue. Il va trois fois par semaine enseigner le breton à Port-Louis pour cinq niveaux différents. Il a aidé l’école Diwan de Riantec à chanter pour le disque de ses vingt ans en 2019. Le club an Teadoù fall a même chanté au concours de kas a barzh de Larmor Plage cette même année une suite de… 25 minutes ! Et l’avenir du breton ? « Comme le disait Albert Boché, nous sommes des optimistes par militantisme, mais si on y regarde de près, c’est foutu. Mais il se trouve que je suis militant », dit-il dans un éclat de rire…