Elles ont poussé comme des champignons, dans les années 1980, dans les petites communes du centre-Bretagne, pour accompagner le développement de l’agriculture hors-sol. Ces petites unités de production agroalimentaire et ces petits abattoirs ont ouvert, à l’entrée des bourgs, offrant des emplois et dynamisant l’économie de territoires qui en avaient besoin. Mais quarante ans plus tard, beaucoup ont mis la clé sous la porte et les usines, autrefois pleine de vie, sont laissées à l’abandon. La loi Climat et Résilience, avec son objectif Zéro artificialisation nette à l’horizon 2050, peut apporter un nouvel avenir à ces friches. Exemple à l’ancienne usine Sovipor à la Trinité-Porhoët.
Sur la route qui rejoint Ploërmel, à la sortie de la Trinité-Porhoët, petite commune de 700 habitants dans le Morbihan, les camions, autrefois nombreux – au grand dam de certains riverains –, ont cessé de circuler. Et autour de l’ancienne usine, la nature a doucement repris ses droits, entre les craquelures de goudron, sur les anciens quais. Malgré les grilles qui l’entourent désormais, l’usine a été plusieurs fois “visitée”. Squatteurs et voleurs s’y sont succédé et ont détérioré encore un peu plus un bâtiment déjà délabré. Les fenêtres ont été brisées, l’intérieur des locaux tagué, les câbles désossés… C’est tout ce qu’il reste de la Sovipor (Société de viande du Porhoët), une entreprise de découpe de dindes, aujourd’hui une verrue au milieu des quelques maisons situées à la sortie du bourg.
Pourtant, l’entreprise a fait vivre des centaines de personnes de la commune et des alentours, salariés, chauffeurs routiers ou éleveurs de dindes, pendant près de quarante ans. Dans les années 1980, les emplois ne sont pas nombreux dans ces zones rurales. “Avec mon associé, nous cherchions à implanter un atelier de découpe de dindes autour de Ploërmel, rembobine Daniel Danilo, 76 ans, l’ancien patron. Mais il y avait déjà pas mal d’usines là-bas. À la Trinité-Porhoët, l’avantage, c’est qu’il y avait de la main-d’œuvre sur place.” Des femmes principalement, jeunes et nombreuses à chercher du travail. Et puis, un terrain de la commune est disponible pour des porteurs de projets. La municipalité ambitionne de favoriser la création d’activités économiques et donc des emplois. Mais, après une visite du terrain en question, Daniel Danilo, dont le projet prévoit trente-sept embauches sur trois ans, n’est pas convaincu. Le maire de l’époque, Henri Thibaudin, lui propose alors une autre parcelle d’un peu plus de deux hectares, au lieu-dit Gatichet, sur la route de Ploërmel. Et il lui promet que la commune prendra à sa charge les travaux de construction de l’usine, sous forme d’atelier-relais : cette solution immobilière permettait aux collectivités de bénéficier de subventions. “Mais il y avait une volonté de dynamiser l’économie du territoire et l’agroalimentaire était une filière en plein essor à ce moment-là”, souligne Michel Philippe, le maire actuel.
L’affaire est entendue entre la mairie et l’industriel. La municipalité contracte un prêt de 2 600 000 francs et engage les travaux en 1982. Elle obtient 603 000 francs de subventions. Au total, la construction de l’usine lui revient à 2 434 397 francs, précisément. La petite unité de production est officiellement rachetée par Daniel Danilo et son associé, François Mauduit, à ce même prix en 1985. Entre-temps, elle a ouvert ses portes le 7 février 1983, avec 27 salariés, sous le nom de Sovipor. (…)