La Grande Parade, moment de partage entre celtes. ©Myriam Jégat

La cinquantième édition du Festival interceltique de Lorient se tiendra en août, après une année de report due à la pandémie. Né en 1971, l’anniversaire n’a pu être fêté l’été passé en raison de la pandémie. Chacun l’espère, 2021 marquera ce demi-siècle de rencontres passionnées entre tous les peuples de l’archipel celtique qui font de l’événement l’un des plus grands rassemblements festifs d’Europe.

L’interceltisme, une longue histoire

L’interceltisme a donné son nom au festival de Lorient, aujourd’hui devenu l’une des plus importantes manifestations culturelles d’Europe. Pourtant, aucun dictionnaire de langue française n’en donne de définition précise. Il est vrai que ce concept, vieux de deux siècles, a revêtu des réalités très diverses et s’est incarné en de multiples formes dans les domaines intellectuels, artistiques ou politiques. Pour comprendre le succès et l’importance du festival interceltique de Lorient, il convient donc de revenir sur l’histoire de ce mouvement protéiforme, qui s’est jouée en plusieurs actes avec, pour trame, le souvenir plus ou moins mythifié des civilisations celtiques de l’Antiquité et du haut Moyen Âge.

Avec une singulière constance, les Celtes reviennent régulièrement à la mode, de la littérature arthurienne médiévale aux succès contemporains de la musique celtique. Dès la fin du xviiie siècle, l’Écossais Macpherson et ses Œuvres d’Ossian rencontrent un succès international. Quelques décennies plus tard, le romantisme met à nouveau ces Celtes en avant, en leur attribuant toutes sortes de vertus primitives face à une société qui change rapidement et à un modernisme vécu comme la fin d’une harmonie multiséculaire. (…)


De 1971 à 2021. Cinquante ans de fêtes interceltiques

Depuis 1971, tous les étés, Lorient vibre au son des musiques celtiques et fait la fête grâce au fil qui l’a rendu célèbre à l’international. L’événement draine plus d’un demi-million de personnes et s’est imposé comme la référence et la vitrine de l’interceltisme.

S’il est un lieu où s’incarne l’interceltisme depuis un demi-siècle, c’est bien entendu le festival de Lorient. La création de cet événement culturel majeur de l’été breton ne s’est pas faite sans aléas, à l’orée des années 1960 et 1970, alors que la vague musicale celtique prenait de l’ampleur. Elle est d’abord liée au retour en grâce des instruments de musique traditionnels avec la création des bagadoù, à la fin des années 1940, sur le modèle des pipe-bands écossais.

L’organisation de concours de musique bretonne et de cornemuses remonte à la fin du xixe siècle, mais sans constance. Il faut donc attendre l’émergence d’une organisation structurée, la Bodadeg ar sonerion (bas), pour que l’idée d’un concours régulier se fasse jour. La première édition du championnat des cornemuses a lieu à Brest, en 1953. Très vite, la manifestation se transforme en “Festival international des cornemuses”. Plusieurs Écossais viennent y faire office de jurés et s’y produire. À partir des années 1960, le champion de Bretagne des bagadoù est désigné à Brest, lors d’un événement qui rencontre rapidement un succès populaire. Des milliers de personnes se pressent sur le cours Dajot, au-dessus du port de commerce pour entendre résonner bombardes et grandes cornemuses. L’événement aurait pu rester ancré dans la cité du Ponant, mais, à la fin des années 1960, la municipalité Lombard décide de refaire cette promenade. Des travaux qui contrarient fortement les organisateurs et la bas, au point qu’ils décident de changer de ville. Installé à Ploemeur, près de Lorient, Polig Monjarret, alors très influent à la bas, leur propose de rejoindre le port morbihanais. Et c’est ainsi que Brest perdit son festival des cornemuses et que Lorient y gagna un festival interceltique. (…)


Lisardo Lombardia : Lorient est un lieu de rencontres et de créativité

En 2007, le fil choisit ce médecin asturien, à l’accent chantant et au contact facile, pour prendre la suite de Jean-Pierre Pichard à la direction du festival. À son tour, à l’issue de cette 50e édition, il laissera sa place à Jean-Philippe Mauras. Rencontre avec ce “missionnaire” de l’interceltisme et sur sa relation passionnée avec Lorient.

Quels sont vos premiers souvenirs avec le Festival interceltique ?

Cela remonte aux années 1970, lorsque j’étais étudiant en médecine. En 1977, j’ai participé un stage en psychiatrie au Domaine de Prières, à  Muzillac. Comme j’étais sensible à la culture bretonne, qui était similaire à la mienne, en Asturies, on m’a très vite parlé du Festival interceltique. Deux ans plus tard, j’ai fait un tour de Bretagne avec des amis. J’avais pas mal de contacts chez les musiciens. J’ai ainsi rencontré Erwan Roparz au Canard bleu à Quimper. Comme j’aime beaucoup l’archéologie, on devait ensuite aller voir les mégalithes de Carnac, mais je me suis trompé de route… On est arrivé à Lorient, devant le bassin à flots et le Palais des congrès. Et là, j’entends du biniou. C’était la finale de Kan ar Bobl ! On va au fest-noz avec une bouteille, un affreux brandy espagnol. Là, une personne s’approche et commence à nous parler et à nous demander des renseignements sur les Asturies… C’était Polig Monjarret ! On a fini cette soirée à l’aube. Au cours de celle-ci, j’ai aussi discuté avec un gars aux cheveux longs, portant un grand pendentif avec un triskell. C’était Alan Stivell ! Cela a été une première rencontre très profitable avec Lorient !

Vous devenez ensuite délégué du fil pour les Asturies ?

Je suis venu en 1981, en tant que festivalier, avant mon service militaire. C’était la période de la transition démocratique en Espagne. Après Franco, les choses évoluaient. J’ai eu des amis élus à la mairie d’Oviedo, la capitale des Asturies. Je leur ai proposé d’organiser un festival interceltique et j’ai noué des relations plus étroites avec Lorient, notamment avec Jean-Pierre Pichard. Je suis resté correspondant des Asturies jusqu’en 2007, lorsque j’ai été nommé directeur. On a notamment travaillé à faire rentrer les Asturies dans le Festival interceltique. On a été reconnus formellement comme le huitième pays celte en 1987. Cela nous a obligés à développer une certaine réflexion pour expliquer pourquoi notre pays, où, comme en Galice, on ne parle pas de langue celtique, fait quand même partie de la grande famille de l’interceltisme contemporain. (…)

Autres articles de ce numéro:

A lire également