Le 18 septembre 2014, l’Écosse se prononcera. L’Écosse votera. Pour son avenir. “Should Scotland be an independant country?” L’Écosse devrait-elle être un pays indépendant ? Les pronostics vont bon train et la presse internationale s’y intéresse de très près. Trois siècles après la signature de l’Acte d’union avec l’Angleterre, il se pourrait bien que cette nation de cinq millions d’habitants prenne le large. C’est Alex Salmond, le Premier ministre écossais, selon certains “l’homme politique le plus charismatique de tout le Royaume-Uni”, qui monte au front et défend cette cause, “la bataille de sa vie” d’après le Financial Times. Et si, finalement, le résultat importait peu ? Si, finalement, comme l’expose Tudi Kernalegenn dans son enquête, ce qui importe, c’est le fait que “le sentiment sur ce qui est possible ou non pour cette petite nation aura été transformé”, que les débats auront été passionnants et que, quel que soit le choix des Écossais, la décentralisation sera très poussée, lui accordant une large autonomie.
Alors en Bretagne, on regarde. Et l’on se pose des questions à l’heure où nous sommes confrontés au nouveau découpage territorial, à l’heure où se pose la question d’une Assemblée de Bretagne. Une nouvelle configuration se profi le. Le pouvoir régional en profitera-t-il ? Le député Jean-Jacques Urvoas (1) propose de saisir cette opportunité. “Le budget de la Bretagne s’élève aujourd’hui à 1,3 milliard d’euros, alors que celui du gouvernement gallois avoisine les 20 milliards d’euros, pour une population à peu près équivalente, commente-t-il. Le président de l’Association des régions de France, Alain Rousset, rappelait récemment qu’une région française dépense en moyenne 400 euros par habitant, contre 3 500 en Allemagne et 5 000 en Autriche.” Enfin, il ajoute ceci qui nous ramène directement aux rivages calédoniens, “le rayonnement futur de la Bretagne dépendra de sa capacité à tisser des liens privilégiés avec des partenaires internationaux, à commencer sans nul doute par les régions cousines de la frange celtique du Royaume-Uni et celles de l’Arc Atlantique”. Alors en Bretagne, on regarde. L’un des Bretons d’Écosse interviewés par Tudi Kernalegenn regrette la passivité des Bretons et leur régionalisme uniquement culturel, qui contraste étonnamment avec le dynamisme politique et économique écossais.
Dans ce numéro spécial, nous avons souhaité relever les points de rencontre entre ces deux régions de taille et de population équivalente, les passerelles qui, à travers les siècles, ont été posées et consolidées. C’est Alexander Goudie le plus breton des Écossais qui, dès les années 1960, vient peindre la Bretagne ; c’est l’étonnant comte de Morton, astronome et géographe écossais venu en mission spéciale ; c’est, enfin, Bonnie Prince Charlie, qui prend la mer à Saint-Nazaire pour reconquérir son trône, pierre angulaire d’une construction d’une histoire nationale de l’Écosse. Mais c’est aussi, aujourd’hui, un couple d’aventuriers bretons qui monte une distillerie sur l’île d’Islay, “la Mecque du whisky”.
Le sonneur breton Patrick Molard est devenu, rappelle Michel Toutous, une des références du pibroch, la musique classique, ou la “grande musique” (ceol mor) de la cornemuse écossaise. Il est même l’un des consultants de la très distinguée Pibroch Society, qui lui envoie de vieux manuscrits, afin qu’il les déchiffre. Il sera également juge de la médaille d’Or de l’Argyllshire Gathering d’Oban, le premier juge non écossais de la plus prestigieuse compétition de pibroch. L’Écosse, un miroir pour la Bretagne ?
Chloé Batissou
(1) Jean-Jacques Urvoas, Pour l’Assemblée de Bretagne, éditions Dialogues, 2014.