Il faut se rendre à l’évidence, l’industrie de l’énergie est peu développée dans notre région privée des fameuses ressources fossiles. Certes en hausse, la part des besoins couverts reste inférieure à 10 % en 2013. Le bois s’avère toujours la première source de production, suivie par l’éolien terrestre. C’est ce qui ressort du bilan effectué par l’Observatoire de l’énergie et des gaz à effet de serre en Bretagne. Et c’est ce que révèle l’excellente enquête effectuée par Loïc Chauveau pour ArMen. En 2015, écrit ce dernier, “la Bretagne ne produit qu’un peu moins de 12 % de son électricité, l’indépendance est encore loin”. Au-delà d’un constat peu engageant les initiatives menées tous azimuts se révèlent particulièrement encourageantes. Qu’il s’agisse des éoliennes de Plélan-le-Grand voulues et gérées localement par les habitants, qu’il s’agisse de l’hydrolienne Sabella − la hauteur d’un immeuble de cinq niveaux et le poids de quinze semi-remorques − tout juste immergée au large d’Ouessant, après quinze ans de dur labeur, enfin raccordée au port d’Arlan, une première en France, qu’il s’agisse des agriculteurs de la communauté de communes du Mené qui se sont inspirés d’expériences vues au Danemark pour mener à bien la construction d’un méthaniseur. L’un des protagonistes de cette aventure, Jacky Aignel, maire de Saint-Gouëno, estime dans le précieux ouvrage du journaliste Pierre-Henri Allain, Reconversion énergétique, la Bretagne en pointe (éd. Ateliers Henry Dougier), que “les Bretons sont des battants, des gens qui s’accrochent et ne s’avouent jamais vaincus. Il y a une grande fierté à relever les défis et un attachement viscéral à un lieu, à une identité. Avec l’idée aussi qu’ensemble, on va s’en sortir”. Le pays du Mené se tourne vers un objectif décidément ambitieux : l’autonomie énergétique complète en 2030. “Et l’argent dépensé à s’éclairer et à se chauffer qui filait auparavant ailleurs reste ici”, se félicite Jacky Aignel. Comme le résume Loïc Chauveau, ces dizaines d’histoires, ces initiatives urbaines et rurales, aussi modestes soient-elles, souvent menées à l’échelle locale, “mises bout à bout dessinent une région qui emprunte une autre voie de développement”. Un territoire en pleine expérimentation. Éoliennes terrestres, solaire, méthanisation, chaleur bois et énergies marines naissantes. La Bretagne de l’énergie se métamorphose sous nos yeux. Vent, mer et soleil s’avèrent désormais de précieuses ressources dont notre région se découvre immensément riche. La perspective s’inverse. L’indépendance énergétique devient rêve accessible.
Chloé Batissou