La tentation est grande d’aborder Nantes en se replongeant dans La Forme d’une ville , superbe récit de Julien Gracq, et de reprendre cette phrase d’amorce qui en donne la teneur et la couleur : “La forme d’une ville change plus vite, on le sait, que le cœur d’un mortel.” Phrase ô combien juste et vraie, quasi incantatoire, pour cette ville des bords de Loire qui, depuis une trentaine d’années, est agitée par de folles créations et par un imaginaire débordant. Œuvres et artistes habitent ses rues, ses monuments, ses passages, son paysage. À la source même de cette ivresse créatrice, un homme, Jean Blaise, qualifié par le journaliste Philippe Dossal de réenchanteur de ville”. Un homme de culture qui a souhaité, dès son arrivée en 1982, s’appuyer sur les formes vives de la ville, défenseur “de la nécessité des échanges, des contacts, des mélanges”. Son ressort à lui ? L’art dans la ville. Les artistes dans la cité. Leur rôle dans l’évolution de la forme urbaine. La ville est en soi un théâtre. Il faut donc y jouer, en jouer, démêler les fils de l’intrigue et des mythes relus, revus, dans ce numéro, par l’historien Alain Croix, connaisseur hors pair des lieux.

Philippe Dossal revient pour ArMen sur cette aventure globale, sur cette construction au fil des années, sur l’adhésion de la population qui en redemande, et qui vient à présent de loin découvrir ces inventions, qu’elles se nomment le Grand Éléphant, le Calamar à rétropropulsion du Carrousel des Mondes Marins, ou encore le futur et très attendu Arbre aux hérons…, mais aussi le monstre de Kinya Maruyama qui fait la joie des enfants du square Élisa-Mercœur et les poussins de Claude Ponti qui font la sieste dans les espaces verts. Car “le lien entre nature et culture est l’une des clés de la réussite de la collaboration entre artistes et urbanistes”, comme le souligne Philippe Dossal, soutenu en cela par Yves-Marie Allain qui revient, dans son article, sur cette fertilisation réciproque. La présence de la nature en ville est aussi l’un des choix revendiqués par la ville de Nantes en haut lieu. Avoir été honorée en 2013 du titre de “Capitale verte européenne” est une chance et une récompense. Mais attention, prévient Yves-Marie Allain, qui fut le directeur du Jardin des plantes de Paris, “tout repose sur une perception de l’avenir faite de compétences, de savoir-faire, d’une humilité certaine […] que le monde des jardiniers connaît bien”.
En évoquant les coteaux à vignes du pays nantais, “les beaux ombrages de la Sèvre, l’élégance toscane de Clisson”, “toute promenade vers le sud de Nantes est doublement une marche vers le soleil”, écrivait encore Julien Gracq. Ville du vin et non du cidre ? Deux vigneronnes, la mère et la fille, au cœur du vignoble, en leur château du Coing, perpétuent une tradition, défendent le muscadet de terroir, muscadet millésimé, muscadet haut de gamme. La ville se renouvelle, se remodèle, approfondit ses perspectives et n’en finit pas de changer dans un flux permanent, ses habitants l’accompagnant.

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