Inscrit en 2012 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco, le fest-noz appartient à l’imaginaire collectif des Bretons. Mais quid de son devenir ?
De quoi le fest-noz est-il le nom ?
En 1954, Loeiz Ropars organise à Poullaouën une fête consacrée au chant en breton. Cet événement scelle le commencement d’une singulière histoire qui perdure dans la Bretagne entière mais également dans les milieux de l’émigration. À cette époque, encore marquée par les affres de la guerre, ce mouvement fait tache d’huile depuis le centre-Bretagne, Plévin, Rostrenen, Gourin ou Châteauneuf-du-Faou pour séduire ensuite le reste de la Bretagne, dont les milieux urbains. Loeiz Ropars a eu l’intelligence de mettre le chant et la danse au cœur de sa démarche et surtout d’y associer un public populaire, lequel ne se fait pas prier pour s’immerger à nouveau dans une pratique festive qui s’effectuait essentiellement lors des mariages, des pardons ou encore à l’issue des travaux agricoles. Désormais, le fest-noz s’installe dans les salles des fêtes. Il est animé par les chanteurs locaux auxquels viennent s’ajouter rapidement des sonneurs, souvent issus du mouvement culturel breton.
Il faut attendre le début des années 1970 pour voir une nouvelle vague déferler sur la Bretagne, engendrée par le succès triomphal d’Alan Stivell à l’Olympia. Le fest-noz ne sera plus exclusivement organisé par les milieux militants, cercles celtique et bagadoù ; il se voit approprié par de nombreuses associations jusque-là totalement hermétiques au phénomène. Les clubs sportifs, les amicales en tous genres, jusqu’aux Anciens d’Afrique du Nord, ont compris le bénéfice qu’ils peuvent en tirer et c’est la Bretagne entière qui danse la gavotte, le laridé et le kost ar c’hoat le samedi soir, de Brest à Nantes. De nombreux musiciens émergent de ce mouvement, sonneurs, chanteurs et groupes folk, comme le voulait l’appellation d’époque. Parmi ces animateurs, une infime minorité choisit d’en faire son métier. Les premiers professionnels du fest-noz sont les Sonerien Du, qui franchissent le Rubicond en 1976. Les autres se contentent en guise de contrat d’un simple engagement oral, avec un défraiement payé au “cul du camion”. Cette vague post-soixante-huitarde a le grand mérite d’avoir redonné des lettres de noblesse à une culture jusque-là méprisée, et de remettre sous les projecteurs des talents comme les sœurs Goadec, les frères Morvan, Manuel Kerjean et d’autres, dont l’art avait bien failli passer aux oubliettes de l’histoire.
Les décennies passent, le fest-noz demeure un incontournable de la culture bretonne. D’ailleurs, il ne séduit pas uniquement le public local : les touristes ou les nouveaux arrivants apprécient également cette forme singulière de fête participative où chacun peut s’immerger dans la ronde sans trop de difficultés, au contraire des spectacles folkloriques où l’assistance est passive et se contente d’applaudir. Le témoignage de Catherine, qu’un changement d’orientation professionnelle a conduite dans les Côtes- d’Armor en 2005, résume parfaitement la convivialité qui s’y trouve : “Ma curiosité m’incite à aller à un fest-noz un samedi soir de février à Saint-Brieuc. J’ai été immédiatement séduite par le fait que des jeunes à capuche y côtoyaient des gens plus âgés, sans que cela ne pose de problème de cohabitation intergénérationnelle. Des personnes attentionnées m’ont même appris les rudiments des pas. Cet aspect communautaire qui ne différencie ni les classes sociales ni les âges m’a profondément émue, et cela venait d’une culture populaire, moi qui venais de Chartres, une région culturellement asséchée.” (…)