En 2015, le photographe Stéphane Lavoué a répondu à une commande du festival photographique de La Gacilly en déclinant le thème de l’exposition universelle milanaise “Nourrir la planète”, sous le titre “La production alimentaire bretonne”. Ce fin portraitiste, habitué des grands magazines internationaux, aussi à son aise face aux pêcheurs du Guilvinec qu’en compagnie des membres de la Comédie-Française dont il a réalisé les portraits officiels, a battu la campagne bretonne à la rencontre de ceux qui nous nourrissent, à la rencontre d’agriculteurs et de producteurs d’aujourd’hui. Simultanément le musée de Bretagne éditait l’ouvrage Nourrir les siens, nourrir les autres, ou la mise en exergue par Laurence Prod’homme et François de Beaulieu − également auteur dans ce numéro d’un article conséquent sur le mouton d’Ouessant − du travail des photographes de 1890 à 1940. Les Amédée Fleury, Robert Demachy, Raphaël Binet et autres passionnés qui ont saisi les Bretons à l’orée des champs nous ont laissé un témoignage de cette histoire aussi bien intime que collective. Grâce à leur curiosité, comme l’explique François de Beaulieu, “il nous est possible aujourd’hui d’interroger leurs reportages tous azimuts pour mieux comprendre qui furent ces Bretons au travail et comment ils inventaient déjà ce qui allait faire d’eux les princes de la planète agroalimentaire”.

Princes désormais quelque peu déchus en ce début de xxie siècle. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la Bretagne a cessé de se contenter de nourrir les siens pour également nourrir les autres. Le tracteur a remplacé le cheval. Les porcheries et poulaillers hors-sol sont sortis de terre. La quantité a durant la seconde moitié du xxe siècle été la panacée. C’était un choix qui a tenu bon et fait la félicité de beaucoup. Un temps donné. Ce temps semble révolu. Le pari d’une autre qualité semble de mise désormais. Le journaliste Christian Campion a parcouru les champs de long, en large et en travers, afin de saisir cette histoire, et plus précisément la situation actuelle pleine de contradictions vécue par les paysans. C’est une Bretagne nourricière à la croisée des chemins dont il rend compte. Une Bretagne qui peine désormais à faire vivre ceux qui travaillent sa terre. À la manière de Stéphane Lavoué, dont les images illustrent le propos, il est allé voir du côté de petites exploitations et écouter ceux qui sont parfois taxés de rêveurs et qui s’avèrent très pragmatiques et judicieux dans leurs choix. Qui sait s’ils ne sont pas porteurs de solutions pour l’avenir ? Comme le dit l’un de ses interlocuteurs, “je sens que nous sommes en train de changer d’approche, qu’on abandonne le produire pour produire”. Une nouvelle mutation se profile.

Malo Bouëssel du Bourg, le directeur de Produit en Bretagne, qui nous a fait le plaisir d’écrire pour ArMen deux pages en breton sur l’économie en Bretagne durant plusieurs années, cesse sa collaboration afin de se consacrer à des projets personnels. Nous le remercions encore chaleureusement. Désormais, nous orientons ces deux pages toujours dédiées au monde économique sur les nouvelles créations d’entreprises, sur les projets en devenir, sur le foisonnement des idées. Car c’est aussi cela la Bretagne.

Chloé Batissou

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