La tribu de Brandivy : chanter chaque jour dans la langue du pays

La tribu de Brandivy, près de Pluvigner, compte une tribu d’enfants, bretonnants, musiciens ou chanteurs pour une grande partie d’entre eux. Les oiseaux ont quitté le nid, mais le cœur de la tribu bat toujours ici, les pères et les mères, Catherine, Patrick, Françoise, Joël et Annie, des projets plein la tête et une grande malice dans les yeux. Un art de vivre avec les autres à Brandivy.

Trois familles et du breton dans chaque maison

 

Dans les trois maisons achetées en 1985/87 vont grandir quatorze enfants, habitués à parler breton entre eux, à jouer de la musique, chanter, jardiner. Le terrain a été divisé en trois parties, chacun rénovant sa longère, avec un terrain d’un demi-hectare par famille.

Catherine a vécu à Brandivy jusqu’à ses quatre ans, puis la famille a déménagé à Carnac. Au lycée St-Paul de Vannes, elle apprend le breton avec Mme Le Glohaec. Et change de langue avec sa grand-mère, à Brandivy. Elle renforce ses connaissances par des stages avec Sten Kidna, Jean-Claude Le Ruyet, Daniel Carré.

Catherine a élevé ses six enfants en breton, langue de la famille mais pas du couple. L’école se fait à la maison jusqu’au CM2 pour chacun. Les enfants des autres familles sont allés à Diwan Baud, ou à Brech en classe bilingue. Pratiquement tous et toutes ont poursuivi leur scolarité aux collège Diwan de Brest, Quimper, Ploemeur, Vannes… puis au lycée Diwan de Carhaix où ils et elles ont fait la connaissance d’autres ami.e.s bretonnant.e.s.

Quel breton parlaient-ils ? Le breton de Brandivy parlé par les anciens de Brandiwi ? Ou le breton « Diwan » pour être comme les autres jeunes de leur âge ? « C’était selon les personnes, le lieu, ceux à qui ils s’adressaient », répond Catherine. « Le but d’une langue, c’est de parler, d’être employée. Ce serait important d’avoir plus d’adultes qui apprennent la langue, même si le principal reste la transmission familiale ».

 

Les débuts sur scène en 1995

 

Catherine apprend à chanter sur les scènes de fest-noz de 1995 à 2004 avec les « mamans Diwan » dans le groupe Loeroù ruz, chanteuses réputées qui ont enregistré deux disques. Elle chante aussi avec Les Triorezed, « son » groupe, depuis vingt ans, avec ses filles, ses copines, les filles de ses copines. En 2020, Françoise, avec le groupe Lies, a gagné le concours de la meilleure chanson pour la Redadeg. Les pères chantent aussi : Joël, dans les Dastumerion autrefois, et Patrick, avec les Mat’lots errants. Annie chante avec les Kanerien Pleuigner, comme l’avait fait Henri.

Catherine apprend l’accordéon aux Assemblées gallèses. Yann Dour, son professeur, se produit dans de nombreux concerts avec les enfants des trois familles de Brandivy : c’est le début des Diaoulezed. Ils vont enregistrer quatre CD et participer à la création de deux spectacles, Kenavo et Beaj Iffig.

 

Derrière le micro à Radio Pays de Vannes

 

Autre découverte, Catherine commence à travailler à la radio de Pontivy en 2006 quand elle remplace Loeiz Konan. Elle aide ensuite Andréa quelques temps, avant d’être embauchée de façon définitive au départ en retraite de Loeiz. La plus difficile émission de radio de sa vie… a été la première, quand Andréa, qui devait l’initier aux subtilités techniques du métier, est restée coincée derrière la porte, dont Catherine ignorait le fonctionnement. Elle a donc animé seule, en direct, sa première émission.

Depuis, elle a appris le métier, habituée à voir de nombreux anciens de Pluvigner, Guéméné, Arzano… « Je dis merci à la vie de m’avoir offert ce travail. Jamais je n’aurais pensé le faire un jour. À Radio Bro Gwened, la millième émission de Kreiz mintin (milieu de matinée) ayant lieu cinq fois par semaine a été fêtée il y a trois ans. Une émission voulue très proche des gens du pays, diffusée d’abord pour les anciens, bretonnants de naissance, mais aussi pour les apprenants, une heure d’entretien et quatre heures de montage.

À partir de septembre, Ag ur gomz d’un all (D’une parole à l’autre) reprendra sur les ondes de Radio Bro Gwened.

  

Festival Bretagne Cornouailles : enracinés dans le pays ?

 

Le festival Bretagne Cornouailles est né en 1986 suite à des voyages de Catherine à l’île de Man : « La première année, nous étions allés avec Françoise et Joël. Après, j’ai continué avec Patrick et des amis. On est allé chanter et danser dans les festivals, Yn Chruinnagth sur l’île de Man et Lowender Perran en Cornouailles ». Alors, pourquoi ne pas organiser ici aussi un festival, proche des gens, en invitant des Cornouaillais à venir chanter et jouer de la musique ?

L’idée est de construire un pont entre les Cornouailles et le pays de Brandivy « une sorte de Lowender Perran, un festival interceltique beaucoup plus petit que celui de Lorient ». Il a lieu chaque année à Brandivy juqu’en 2000, puis alternativement une année en Cornouailles et la suivante en Bretagne, à Brandivy. Des spectacles sont organisés dans les bars, à l’église, un fest-noz, trois jours de fête avec des bénévoles… Les invités sont logés chez l’habitant.

« Quand on est arrivé ici, c’était un peu difficile. Mais une fois constituée l’association avec les enfants de Brandivy, c’est devenu de plus en plus facile. On peut dire aujourd’hui que oui, nous sommes enracinés dans le pays ». Pour preuve, pour l’édition du festival en 2019, l’église du bourg était pleine de gens de Brandivy.

 

La tribu de Brandivy : 14 disques, 16 groupes de fest-noz et de concerts, des veillées…

 

Anjela chante dans plusieurs formations, comme An Tri Dipop, en kan ha diskan avec Maude Madec, ses copines et sœurs de Brandivi, sa mère, les amies de sa mère… La graine de musicien et de chanteur pousse bien dans les potagers de Kastell Gwenn. Les filles et les garçons vont « sonner »(jouer ou chanter se dit de la même façon en vannetais : sonein) partout, dans des fêtes, des festoù noz, mais aussi à la Breizh Akademi (Anjela a ensuite créé le groupe Barba Loutig avec trois autres « académiciennes », Elsa, Loeiza et Lina en 2014), et Meriadeg, le clarinettiste, a intégré lui aussi la dernière formation d’Éric Marchand. Mari part à l’étranger (Roumanie, Mexique…) avec le groupe KBreizh qui réunit l’élite des danseurs bretons. Awena a chanté dans Kef Kef Band, Balafent, chante dans Tare ta gueule, Gwenn et Anna chantaient dans Allah’s kanañ, et Riwall joue de la bombarde au bagad de Cesson…

 

Chanter tous les jours : une thérapie familiale ?

 

« En Pays vannetais, beaucoup de personnes chantent en breton et en français. Chanter, c’est thérapeutique. À partir du moment où les gens chantent, ils se sentent bien. Pour moi, ce qui me va, c’est de chanter, chaque jour, chanter en travaillant, chanter en marchant, chanter dans l’auto, aider les gens à chanter, leur redonner l’habitude de chanter.

À Bovel, quand on chante en breton, les gens disent « C’est quand même beau, le breton » et quand les chansons du Pays gallo se succèdent, on entend : « Allez, les Bretonnants, vous nous en faites une ? », et là, ils essaient de répondre. Pour moi, il faut faire comme ça si nous voulons que les gens s’intéressent au breton. S’il y en a un seul d’entre eux qui se met à apprendre le breton, on a gagné ! »

Quelques liens pour les écouter :

Anjela ha Maude https://youtu.be/GH0H4htF_A4

Taouk Trio https://youtu.be/GCJ5nZOvUG0

Abadenn Taol Kurun gant Soig Siberil https://youtu.be/tPsradDCARU

Barba Loutig https://youtu.be/csxEO7WmjaQ

Autres articles de ce numéro:

A lire également